Tropicale tristesse de Jean-Baptiste Maudet, un livre-miroir de Tristes tropiques hanté par Claude Lévi-Strauss

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Le romancier-géographe raconte les aventures amazoniennes d’une drôle de fille, Jeanne Beaulieu, partie à la recherche d’un Indien entraperçu à la télévision.

L’immense Julien Gracq avait une interrogation, levée par son propre parcours. «Je me demande parfois ce qu’est le monde pour des gens qui n’ont pas de formation géographique», avait-il confié. Il ne se serait pas inquiété pour Jean-Baptiste Maudet. L’écrivain puise assurément dans le «sentiment géographique». C’est sa formation d’universitaire et il sait se faire rencontrer les paysages et la littérature.

L’auteur du Rivage des Syrtes affectionnait les «régions indécises», où l’homme n’est pas contraint par les limites, ces zones de l’entre-deux. C’est bien sur des terres incertaines, propres à nourrir l’imaginaire, que se déroule le nouveau roman de Jean-Baptiste Maudet. L’Amazonie, les grands fleuves, la forêt sans orée. Une drôle de fille, Jeanne Beaulieu, y part à la recherche d’un Indien entraperçu un jour à la télévision. Un coup de tête absurde, un départ nécessaire. «Je me dis que j’irai jusqu’au bout de cette quête, aussi vaine soit-elle. Il reviendrait au même qu’elle ait un but», dit-elle. Cette anti-héroïne prend la route, Tristes tropiques, de Claude Lévi-Strauss, dans son sac.

Ce roman est à la fois un portrait de femme et un livre-miroir, hanté par la présence de l’anthropologue qui avait voulu écrire un roman amazonien avant de donner un autre tour à son célèbre ouvrage. Jeanne voyage autant dans les livres que sur les eaux lourdes. Sa traque irrationnelle et loufoque prend des allures de quête existentielle. Partie avec de lourds bagages intérieurs, la voyageuse va être transformée. Une rencontre y contribue. «Je ne crains plus de tomber de cette étroite ligne de crête qui me permet tant bien que mal de traverser la solitude et l’exaspération face à mes contemporains, deux pentes abruptes qui donnent le vertige», confie-t-elle. Cette initiation se fait au rythme lent du fleuve, même si certaines pages s’emballent comme une pirogue dans des rapides.

Avec ce troisième roman, pour lequel il a arrêté un temps d’enseigner, Jean-Baptiste Maudet poursuit une œuvre singulière, réjouissante et enlevée. Remarqué pour son premier roman, Matador Yankee (prix Orange du livre 2019), il renouvelle avec brio le roman d’aventures, le nimbe de poésie et le pave d’humour. L’écrivain aime les êtres fêlés et les destins fantasques. Ceux qui cultivent un rapport presque primitif avec la planète Terre, aussi. Le géographe est sensible aux espaces mythologiques, qu’il s’agisse du Grand Nord sibérien de son deuxième roman, Des humains sur fond blanc, où l’Amazonie si littéraire de Tropicale tristesse.

Maudet préfère une littérature du doute aux romans à thèse. Une affaire de tempérament sans doute, mais aussi un gage d’efficacité. Plutôt qu’asséner, il sème des graines. Considérant que poser des questions a souvent plus d’effets que d’essayer de convaincre les lecteurs de ce qu’il faut penser. Avec son âme poétique, le romancier-géographe ne se satisfait pas du monde tel qu’il est. Sans toutefois chercher à imposer le sien.

Tropicale tristesse, de Jean-Baptiste Maudet, Le Passage, 312 pages, 19 euros.

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