23% des votes font-ils une majorité ?

Karl Paolo

Selon les données publiées par la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS), au premier trimestre 2023, la population en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) était évaluée à environ 226 000 personnes.

La population active ayant un emploi, concerne environ 126 000 personnes.

 

L’écart entre ces deux chiffres, soit 100 000 personnes se décomposent de la manière suivante :

  • Il y a d’abord tous ceux qui ne travaillent pas, inscrits à Pôle-Emploi. Ils sont 32 000 ! C’est le chiffre le plus souvent cité par les politiques, les journalistes, les autorités publiques, bref, les grands grecs. Mais ce chiffre ne représente qu’une fraction de la réalité !
  • Il y a ensuite tous ceux qui n’ont qu’un temps partiel, en général imposé, comme ces auxiliaires de vie à domicile, exploitées et payées pour 50 à 75 heures par mois et qui dispose d’une moitié de SMIC. Ils sont un peu plus de 11 000 !
  • Il faut y ajouter ceux qui disposent d’un contrat aidé, ceux qui sont en formation, en stage ou en arrêt de maladie, presque 5 000 personnes de plus!
  • Il y a enfin les élèves, les étudiants et les stagiaires, autour de 24 000, les retraités et préretraités de moins de 65 ans, environ 10 000 personnes,
  • Le solde, appelé pudiquement inactifs, est constitué de 18 000 personnes, quasiment invisibles et dont personne ne parle ou ne veut parler !!! Ce ne sont pourtant pas des rentiers percevant des dividendes mais des compatriotes sans emploi, qui, ayant perdu tout espoir de trouver ou retrouver un vrai travail, c’est-à-dire, une activité à temps plein qui leur procure des revenus dont ils peuvent vivre, ne s’inscrivent plus à Pôle-Emploi !

 

Autrement dit, au bas mot, le nombre de martiniquais sans activité et donc sans ressources, ou avec une activité partielle et par conséquent partiellement rémunérée, qu’ils soient ou non connus de Pôle-Emploi, est de 60 000 personnes, soit quasiment la moitié de la population active ayant un emploi !

On est donc très loin du chiffre de 32 000 dont on se félicite !

 

Alors, peut-on donc parler à ces 60 000 chômeurs, de vacances, voire, de bonnes vacances ?

 

Croyez-vous qu’il se soit trouvé beaucoup de ces 60 000 martiniquais sur une embarcation pour suivre le Tour des yoles rondes, pour participer à la Mercury Beach aux Anses d’Arlet ou à la Baccha Festival qui s’est tenue à la Pointe Faula, au Vauclin ou pour passer quelques jours dans un hôtel ?

 

Et je n’évoquerai pas celles et ceux, et ils sont nombreux, qui travaillent mais dont le SMIC, 1 383,09€ net par mois, permet peut-être tout juste de survivre, surtout quand il y a un loyer à payer, une famille à nourrir, un véhicule pour se déplacer à financer ainsi que certains retraités qui ne disposent parfois que de quelques centaines d’euros par mois.

 

Avez-vous déjà entendu parler de ce sujet lors d’une plénière de la CTM, chères téléspectatrices et chers téléspectateurs ?

Avez-vous déjà vu le directeur régional de Pôle-Emploi présenter l’activité annuelle de cet organisme devant les élus territoriaux, et notamment, sur les radiations administratives prononcées en forte augmentation en 2022 (+32%) soit presqu’autant que les sorties pour reprise d’emploi, entrée en stage et arrêt de recherche (+37%) ???

Mais non, à la CTM, soyons sérieux, on ne discute pas de ces choses-là !

 

Pourtant, à suivre l’actualité, tout va pour le mieux. Nous n’avons pas eu à subir de cyclone, en tout cas pour le moment (je touche du bois) et les élus, les autorités étatiques et les médias se félicitent des bons chiffres de l’économie au point de titrer, en mars dernier : La Martinique en pleine croissance économique !!! Croissance ? Croissance peut-être ! Mais croissance pour qui ?

 

C’est sans doute parce que tout va bien que le président de la Martinique, enfin, celui qui se comporte comme tel, a décidé de réunir le congrès des élus, soit 100 personnes. Cette instance regroupe en effet les 51 élus de la CTM et les 9 membres de son Conseil exécutif, les 34 maires et les 6 parlementaires (4 députés et 2 sénateurs).

 

Quelle mouche l’a piqué ?

A regarder avec attention le programme « un projet pour faire gagner la Martinique » de la liste Alians Matinik, conduite par Serge Letchimy himself, pas une seule ligne sur un changement de statut ou, pour dire les choses de manière plus soft, sur une évolution institutionnelle, n’y figurait.

D’ailleurs, le terme de « congrès » n’est cité qu’une seule fois, à propos de l’Institut martiniquais des sports, qui deviendrait, selon ce programme, un centre de congrès d’entraineurs internationaux de haut niveau ! Rien à voir avec le congrès des élus !!!!

 

La liste Alians Matinik a gagné d’une courte tête, les élections territoriales de juin 2021, moins de 3% des voix la séparant du Gran Samblé.

Pour l’essentiel, ce sont les électeurs de Fort-de-France et des communes situées sur les côtes nord atlantique et caraïbe qui lui ont donné une majorité !

Mais si, grâce aux 11 sièges supplémentaires attribués à la liste arrivée en tête, elle détient le pouvoir à la CTM, ne dispose-t-elle pas d’un mandat impératif et limité au programme présenté aux électeurs, pour reprendre le mot d’aimé Césaire ?

Ou est-ce un chèque en blanc ?

Sinon, à quoi sert donc ce fameux projet sur la base duquel sa victoire a été acquise ?

 

Cette habitude qu’ont certains élus de faire des promesses qui jamais ne les engagent, n’est-elle pas inquiétante ?

 

Pour justifier la réunion de ce fameux congrès en 2022, on nous explique que la population demande « des réponses fortes, immédiates et concrètes » pour résoudre des problèmes récurrents auxquels elle est confrontée.

 

Si l’on comprend bien, quand Alians Matinik s’est constituée, ses membres fondateurs n’étaient pas au courant des attentes des Martiniquais et ils l’ont découvert entre juillet 2021 date de l’élection, et juillet 2022. Ils ont peut-être eu recours, entre temps, à des quimboiseurs ????

 

Depuis juillet 2022, le congrès s’est réuni à 4 reprises. Des auditions ont été réalisées auprès de près de 3 000 personnes, paraît-il, sélectionnées on ne sait trop comment. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que ces auditions se sont déroulées sans préparation préalable, sans confrontation de points de vue différents. Les dires des uns et des autres ont d’ailleurs été repris tels quels dans le document de synthèse, sans aucune vérification ni distanciation et sans aucune mise en perspective.

Ce qui n’empêche pas les élus d’affirmer qu’ils ont écouté la population.

 

Lors de la dernière réunion, tenue le 28 juillet dernier, une déclaration solennelle ne faisant référence qu’au seul changement institutionnel, en réalité un changement de statut, a été adoptée. Ce dernier ne pourrait être obtenu que par une modification de la constitution française, laquelle dépend du bon vouloir du président de la République, M. Macron, du gouvernement et des parlementaires, députés et sénateurs, réunis en congrès.

 

Cette déclaration était tellement solennelle qu’elle n’a été votée que par 23 élus présents sur 100 convoqués, les 77 autres ne s’étant pas déplacés ou avaient levé l’ancre. On a vu plus solennel que ça !

 

Mais dites-moi, chères téléspectatrices et chers téléspectateurs, croyez qu’un changement de statut permettra :

  • la baisse des prix qui se sont envolés depuis 1 an et demi,
  • la réduction du chômage, de la précarité et de la pauvreté,
  • l’équité en matière de recrutement au lieu de la politique des parents, amis et alliés,
  • l’amélioration de la prise en charge des martiniquais sur le plan de la santé, de l’éducation,
  • l’amélioration de la desserte en eau potable et de l’assainissement, du traitement des déchets au SMTVD,
  • l’amélioration du cadre de vie, par exemple l’entretien du réseau routier, la coupe de l’herbe située sur les accotements et l’élagage, pour ne citer que quelques exemples ?

 

Où sont donc, dans la déclaration solennelle votée par 23 élus sur 100, « les réponses fortes, immédiates et concrètes » ??

  • Sur quoi seront consultés les Martiniquais, in fine ? Est-ce sur lesdites réponses fortes ?
  • Ne serait-ce pas plutôt sur l’article de la constitution qui régirait dorénavant les rapports entre la Martinique et la France, comme ce fut le cas le 24 janvier 2010 ?

 

Qu’est-ce qui permet de penser que les élus feront demain, ce qu’ils n’ont réalisé, ni hier, ni aujourd’hui ?

Une illustration : quand, après des années d’une gestions opaque et dispendieuse du SMTVD, son ancien président, Sainte-Rose Cakin a été prié de quitter les lieux, la majorité des membres de son conseil d’administration a été reconduite, alors que manifestement, ils avaient failli à leur mission.

 

Alors, ki sa ki changé ?

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