À l'université de Corte, le français est aussi une langue étrangère

Acquérir un niveau de français suffisant pour s'engager dans de vraies études sur le campus cortenais, un besoin impérieux pour une partie de la communauté étudiante internationale. Le DU "français langue étrangère" le leur permet. Vécu au cœur d'une promo cosmopolite

Voilà une matinée qui fait comprendre à quel point la langue française est difficile. Des instants durant lesquels on grimacerait presque de douleur en entendant le prof évoquer l'imparfait du subjonctif ou annoncer un bon vieux cours de grammaire. Bref, tout ce qui peut nous rappeler, à nous autres francophones, les vieux souvenirs d'une scolarité parfois douloureuse.

Le mardi, à l'Université de Corse, dans une salle de cours du bâtiment Edmond-Simeoni, une poignée d'étudiants s'astreint avec le sourire à l'apprentissage de la capricieuse langue de Molière. Ils sont pourtant issus de la communauté estudiantine internationale. Bienvenue en "français langue étrangère" pour la préparation d'un diplôme universitaire sans lequel la suite d'une aventure à l'étranger ne peut en aucun cas s'envisager.

Alexei et Evgenia, un couple russe venu travailler leur français. Il est juriste, elle est architecte. - Photo N. K.

Concentration décuplée, écoute plus attentive qu'à l'accoutumée. L'effort est considérable au service de l'indispensable compréhension. Le port du masque ne facilite pas les choses. Fort heureusement, Christine Grandjean opte pour une visière. L'enseignante responsable du FLE sait que parler "à visage découvert" a son importance face à un auditoire aussi sensible au mouvement des lèvres qu'à une prononciation soignée. D'autant que l'interactivité est le maître-mot d'une séance de travail qui révèle très vite que le niveau général est plutôt bon pour un mois de novembre.

Alexei semble à son avantage. Le jeune Russe va jusqu'à manier l'humour avec une remarquable spontanéité dans la conversation. Il faut dire qu'il était déjà là l'an dernier. On l'a exceptionnellement autorisé à préparer son DU en deux ans. Celui qui espère s'inscrire par la suite en licence pro de l'audiovisuel est le plus bavard durant la première heure tandis que Myriam, étudiante algérienne qui souhaite enchaîner sur des études de médecine, passe beaucoup de temps à prendre des notes. À sa gauche, Linda s'exprime sur la question de la prise de parole en public présentée par l'enseignante comme "la deuxième grande peur, après celle de la mort". L'étudiante mexicaine observe que dans les universités américaines, les étudiants s'en emparent volontiers. "C'est parce que là-bas, c'est payant, et ici c'est gratuit", glisse Alexei en souriant. Il n'est pas le seul à porter ce prénom dans la salle. C'est aussi celui d'un compatriote qui suit le DU avec sa compagne, Evgenia. Le couple a déjà un vécu professionnel en Russie. Il est juriste, elle est architecte. Dans ce groupe au sein duquel trois nationalités sont représentées, seule Rita, une jeune Brésilienne, manque à l'appel ce matin-là.

Linda, étudiante mexicaine, est motivée par les rencontres et la découverte de nombreuses cultures. - Photo N. K.

La méthode de Christine Grandjean semble répondre à quelques exigences, mais d'abord à une certitude. Le français langue étrangère n'est pas la matière scolaire de nos dissertations et autres commentaires composés. Face à sa promo cosmopolite, elle s'appuie sur une interactivité de tous les instants et distille habilement les mots qui vont enrichir le capital vocabulaire de chacun. La radio RFI, qui propose justement un "Journal en français facile", est l'un des outils qui permet d'y parvenir. L'enseignante diffuse le podcast d'une édition. "À écouter dix minutes tous les matins", conseille-t-elle. On y prend connaissance des "nouvelles", un mot sur lequel il faut s'arrêter un instant, avant de préciser que celles-ci sont "bonnes, positives, ou encore joyeuses". Le journal de RFI, ce jour-là, évoque à la fois les propositions de Poutine dans la crise des migrants, la COP26, les législatives en Bulgarie. "C'est un journal très dense." Dense ? Encore faut-il expliquer qu'il ne s'agit pas de danse... Ah ! Les subtilités de la langue française ! "Cela veut dire qu'il y a beaucoup de nouvelles", suggère Myriam. Plus la matinée s'écoule, mieux on communique. Comme si la voix et les neurones avaient besoin d'un échauffement pour donner de la confiance, libérer la parole, nourrir les échanges qui laissent volontiers libre cours à l'improvisation. Car celle-ci est loin d'être insignifiante.

Le cours de français langue étrangère à l'Université de Corse, c'est l'affaire de Christine Grandjean. - N.K.

Quand le mot "entretien" est lâché, il est décrypté dans tout ce qu'il peut signifier. L'ultime étape préalable à l'embauche ? L'occasion d'expliquer que l'on peut aussi "échouer". Rien à voir avec un navire qui, lui, peut "s'échouer". Un navire, justement... Voilà comment la séance s'oriente sur les moyens de transport, puis sur les habitudes de voyage des uns et des autres, leurs regards sur les autres horizons et les autres cultures, leurs aspirations qui ne sont pas fermées à une vie à l'étranger. Tout ce qui rejoint, en somme, une volonté commune d'intégrer un DU de français langue étrangère au cœur d'une île plus ou moins lointaine.

Pour tâcher d'apprivoiser une langue aussi belle que capricieuse.

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