Chansons-chlordécone pour le carnaval

   On ne sait plus s'il faut rire à gorge déployée ou pleurer à chaudes larmes ("kon Laviej Man Loulout la", aimait à dire la grand-mère de Ti-Sonson), tellement l'indécence a dépassé toutes les limites dans ce petit pays de Martinique. 

   En effet, le scandale du chlordécone a été révélé au grand jour en 2006 lorsque des associations écologistes guadeloupéennes et martiniquaises se sont portées parties civiles et ont déposé plainte en justice pour "empoisonnement" et "mise en danger de la vie d'autrui". En 2007, deux livres sont parus sur la question. De 2008 à 2012, on ne compte plus le nombre d'articles de presse, d'interviews, de conférences de presse, de mobilisations etc...à propos de ce scandale. Après 2012 et jusqu'à ce jour, la chose a pris une ampleur grandissante.

   Or, pendant tout ce temps-là, AUCUN ARTISTE, chanteur, musicien, chansonier, parolier et autre n'a évoqué une seule fois le chlordécone ! Pas un (e) seul (e) ! Pendant 15 longues années, ce fut motus et bouche cousue 

   Et puis, aujourd'hui, au moment où la justice vient de rendre un jugement scélérat de non-lieu dans l'affaire du chlordécone, voici que les artistes se bousculent au portillon pour parler du...chlordécone !

   Simié ri sa pito ! Péyi-tala sé an péyi-zonbi toubannman. 

Commentaires

2 questions intéressantes

OuiNon

10/01/2023 - 13:31

Cet article soulève deux questions intéressantes.
1.- La première est la censure des thèmes carnavalesques. L'article reproche à des artistes de préparer des chansons de carnaval sur le chlordécone. On sait que des déguisements et des chars ont déjà été durement critiqués. Ces condamnations peuvent paraître légitimes : des valeurs morales sont enfreintes, ce qui peut choquer. Toutefois, l'essence même d'un carnaval est l'inversion des valeurs, c'est la transgression ! Autrement, il s'agit d'un défilé costumé. Ça peut plaire, comme la parade de Walt Disney, mais il ne faut plus parler de carnaval.
2.- La seconde question est l'absence de réaction, devant le scandale du chlordécone, prêtée certains. Mais n'est-il pas d'autres scandales en cours ?
Prenons la malbouffe, dont les effets délétères sont patents : surpoids et diabète. Tout le monde est au courant. Tout le monde le voit. Mais on importe, on distribue et on consomme toujours plus de malbouffe.
Evidemment, il y a la drogue. Sans autorisation du Gouvernement, elle est importée, distribuée à tous les coins de rue et consommée en masse. Tout le monde est au courant. Tout le monde le voit. Toutes les couches de la société sont concernées. Et le trafic s'accélère.
Pour que le scandale du chlordécone serve au moins à quelque chose, ces autres scandales ne devraient-ils pas faire réagir, pendant qu'il en est petit-être encore temps ?

LA MALBOUFFE ? LA DROGUE ?

Albè

11/01/2023 - 09:36

OuiNon, vous m'avez fait éclater de rire car vous êtes un (e) vraie (e) champion(ne) en diversion. Vous comparez le chlordécone à la malbouffe ou à la drogue ? Trop fort ! Pourtant, il suffit de parcourir ce site de temps à autre comme cela m'arrive pour voir que dans notre chère Matinik, il y a au moins trois gros scandales comparables à celui du chlordécone : celui de la SODEM (non-indemnisation de personnes délogées au boulevard Bishop pour faire passer le TCSP alors que les indemnisations allaient de 30.000 à 200.000 euros) ; celui du CEREGMIA (disparition de 12 millions d'euros de fonds européens à l'UAG qui a conduit à la révocation de trois enseignants mais qui n'ont toujours pas été jugés des années après) ; celui du SMTVD (magouilles financières, embauches népotistes et clientélistes à tous les étages). DONC PAS LA PEINE DE FAIRE DIVERSION EN INVOQUANT LES SCANDALES DE LA MALBOUFFE ET DE LA DROGUE !

Diversion ?

OuiNon

11/01/2023 - 14:10

J'ai pris les exemples de la malbouffe et de la drogue, car ils affectent la santé des gens, à l'instar du chlordécone. Et leurs dégâts sont considérables.
En ce qui concerne le chlordécone, j'entends certains dire qu'ils n'étaient pas suffisamment informés, qu'ils ne savaient pas, raison pour laquelle ils n'ont pas réagi contre l'utilisation de ce produit. On en pense ce qu'on veut.
J'observe seulement que pour la malbouffe et la drogue, qui sont des scandales sanitaires à l'oeuvre, tout le monde est informé, tout le monde sait.
Je m'interroge donc. Comme l'emploi du chlordécone a duré bien trop longtemps sans réaction d'ensemble de la société, combien de temps encore la malbouffe et la drogue vont-elles continuer à prospérer ?
Je parle de réaction d'ensemble de la société car il y a des gens qui réagissent, bien sûr, mais pas assez nombreux.
Etant dans la continuité, je ne vois pas en quoi il y a "diversion". En tout cas, moins qu'avec les autres scandales énumérés qui sont financiers et non sanitaires.
D'où une question subsidiaire : en quoi les exemples de la malbouffe et de la drogue gênent-ils ?

DESIGNER QUI

Albè

12/01/2023 - 08:53

La malbouffe ne gène pas à condition d'indiquer QUI sont les propriétaires ou concessionnaires des lieux de malbouffe en Martinique. Dénoncer en l'air sans pointer du doigt les acteurs et actionnaires de la malbouffe revient à pisser dans une flûte en bambou. Il est clair qu'aucun natif de Morne Balai n'en est actionnaire et ce sont les "malhéré" de quartiers populaires urbains qui en sont les premières victimes. Ca le même qui est actionnaire d'un restaurant de malbouffe se fournit, pour sa nourriture quotidienne, dans des magasins haut de gamme. Sinon s'agissant de la drogue, c'est pareil ! Ceux que la police des frontières coince sont toujours des mules, pas les étalons.

Albè : d'accord.

OuiNon

12/01/2023 - 22:01

Je suis parfaitement d'accord.
Je constate que de nombreuses forces ont fini par se mobiliser au sujet du chlordécone. C'est très bien, puisque ce pesticide affecte la santé de la population.
Mais il est d'autres causes de mauvaise santé, dont la malbouffe. Or bien peu se mobilisent contre. Il ne s'agit pas de faire diversion mais d'en parler aussi, en plus du chlordécone.
Avant que les lieux de malbouffe ne pullulent, il n'y en avait presque pas et les gens ne mouraient pas de faim pour autant, fussent-ils malheureux. On mangeait différemment, c'est tout. Et la malbouffe, à y regarder de près, n'est pas économique. Il s'agit d'un style de consommation impulsé par la publicité et délibérément choisi, malgré ses dangers bien connus. Ce qui constitue une différence avec le chlordécone, longtemps ingéré sans le savoir. Pire : on habitue nos enfants à la malbouffe, quelque soit le milieu social : hamburgers gras et sucrés, sodas hyper sucrés, etc. Tout ce qu'il faut pour fabriquer une population obèse et diabétique. Aussi, la lutte contre la malbouffe commence-t-elle par adopter pour soi-même une alimentation saine, ce qui n'est pas synonyme de haut de gamme.
Les actions visant les pourvoyeurs de malbouffe sont probablement difficiles. Sans doute est-il nécessaire de s'interroger sur les propriétaires ou concessionnaires des lieux de malbouffe. Mais je ne vois pas grand monde le faire, alors que la cause me semble aussi sensible que le chlordécone. Qui a soutenu Victorin Lurel dans sa croisade contre les taux de sucre majorés aux Antilles ?
Quant à la drogue, c'est la catastrophe. On peut dire que la police coloniale ne fait pas son travail mais dans nombre de pays indépendants, la situation est pire. L'usage des drogues finit par se répandre, par le libre arbitre du consommateur, malgré les interdictions légales (ce qui est différent du chlordécone). Là encore, c'est avant tout un choix personnel : on peut ne pas se droguer et si presque tout le monde le fait, on ne s'en portera que mieux et le trafic cessera, avec son cortège de violences.
Compte tenu des sommes en jeu, on peut comprendre l'attrait de certains pour le deal (qui ne sont pas tous pauvres, loin s'en faut). Mais qu'en est-il de la consommation, qui est payante et détruit la santé ? Or c'est la consommation qui alimente le système. Elle concerne toutes les classes sociales. En Martinique, elle n'a pas commencé dans les quartiers pauvres, mais dans la bourgeoisie.

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