Notre voisine stellaire la plus proche vient d’être découverte : une troisième exoplanète « candidate » orbite autour de Proxima du Centaure. Après Proxima b et c, Proxima d serait la plus légère de toutes.
Après près de 100 nuits d’analyse pour réunir suffisamment de données, une équipe d’astronomes a rassemblé les preuves de l'existence d'une planète « candidate » en orbite autour de Proxima du Centaure. Sa masse serait équivalente « à un quart de celle de la planète Terre », précisent les experts dans l’étude publiée dans la revue scientifique Astronomy & Astrophysics.
L’équipe de chercheurs a utilisé le Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (VLT de l'ESO) au Chili afin de pouvoir analyser les étoiles et comprendre ces exoplanètes.
« Alpha du centaure est un système de 3 étoiles » explique Baptiste Lavie, astronome à l’Observatoire de Genève (département d’astronomie de l’Université de Genève). D’abord, Alpha du centaure A et Alpha du centaure B, qui sont « très proches l’une de l’autre » et enfin, une troisième étoile un peu plus éloignée, qui est Alpha du centaure C. « C’est cette troisième étoile que l’on appelle Proxima du Centaure, car c’est la plus proche de nous ». Proxima du Centaure a été découverte en 1995 par deux Suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, qui ont obtenu le prix Nobel de physique en 2019.
« Proxima du Centaure est ce que l’on appelle une naine rouge » précise l’astronome. C’est une petite étoile plus froide que le Soleil, « 3'000 K à comparer aux 6'000 K du Soleil à la surface ».
« Les étoiles de type naines rouges sont en fait les plus communes dans notre galaxie, elles représentent 75 % des étoiles, mais on ne les voit pas vraiment à l’œil nu dans le ciel, car elles brillent beaucoup moins que des étoiles comme le Soleil ».
En 2016, Proxima b a été découverte, suivie de Proxima c en 2019-2020. « Proxima b est une planète un peu plus grosse que la Terre et elle tourne autour de Proxima du Centaure en 11 jours ». Cette exoplanète intéresse les astronomes puisqu’elle se situe dans la zone qualifiée « d’habitable » par les experts. « C'est la région dans le système où la planète a reçu assez de lumière pour que l'eau soit liquide » explique Alejandro Suárez Mascareño, co-auteur de l’étude.
Proxima b pourrait potentiellement, au vu de son emplacement, avoir à sa surface de l’eau sous forme liquide, mais aucune donnée ne permet de le confirmer pour l’instant. Toutefois, « zone habitable » ne signifie pas que l’humain pourrait y vivre : « c’est loin d’être suffisant pour que cela soit habitable au sens "un humain peut y habiter" » précise Baptiste Lavie.
Quant à Proxima c, il s’agirait probablement d’une planète gelée. Cette exoplanète « tourne en cinq années [terrestres] autour de Proxima », elle se situe beaucoup plus loin de Proxima du Centaure et est donc certainement très froide.
UNE PROUESSE TECHNIQUE D’UNE GRANDE PRÉCISION
« C'est notre voisinage proche, nous sommes très intéressés par ce qu'il se passe si près de nous » affirme Alejandro Suárez Mascareño.
Afin de confirmer la découverte de Proxima b en 2020, les scientifiques ont utilisé un nouvel instrument de grande précision monté sur le Very Large Telescope de l’ESO au Chili, l’ESPRESSO (Echelle Spectrograph for Rocky Exoplanets and Stable Spectroscopic Observations). « Il s’agit d’un instrument de précision construit en partie par l’Université de Genève qui, depuis la découverte de la première planète en 1995, possède une expertise unique dans ce domaine reconnue internationalement » explique Baptiste Lavie.
Au cours de ces observations plus précises, les experts ont repéré un signal pouvant correspondre à une planète en orbite. « C'est une technique indirecte. On n'observe pas la planète directement, on observe les étoiles et on voit l'effet que la planète a sur les étoiles. Comme la planète est en orbite autour de l'étoile, l'étoile bouge aussi. De la même façon que la Terre a un effet sur le soleil. C’est très léger, mais elle le fait un petit peu bouger » ajoute l’astrophysicien João Faria, principal auteur de l’étude.
João Faria décrit ainsi le mouvement périodique qu’ils ont pu constater : « nous la voyons s'éloigner et se rapprocher de nous. […] Ce mouvement périodique a une période de cinq jours, on en déduit qu'il y a une planète. C'est la même technique que nous avons utilisée pour découvrir Proxima b et Proxima c ».
Le scientifique Suisse qualifie cette découverte de « prouesse », assurant que de détecter une si petite planète est très difficile. « La technique des vitesses radiales que nous avons utilisée mesure la vitesse de l’étoile (son mouvement) due à la présence de la planète autour. Pour Proxima d, la vitesse de Proxima du Centaure varie de seulement 1.4 km/h, c’est vraiment très peu ». On parle également de 40 centimètres par seconde.
La lumière rouge de l'étoile au cœur d'Alpha du Centaure C retombe sur la surface de la planète Proxima b dans cette illustration.
PHOTOGRAPHIE DE ILLUSTRATION - ESO, M. KORNMESSER
Proxima d est la plus légère des exoplanètes jamais enregistrée grâce à la méthode des vitesses radiales. Elle pourrait être comparée à la Terre par son potentiel sol rocheux, mais elle n’est pas comprise dans la zone habitable puisqu’elle reste « trop proche du Soleil », comme l’indique João Faria.
Finalement, cette découverte permet aux astronomes de consolider leurs acquis, leurs techniques et leurs connaissances. « On a prouvé que l’on pouvait le faire, que l’on était en capacité de détecter une petite planète. […] Ce n’est pas toujours évident de savoir si nous sommes assez bons, si nous avons les bonnes techniques. Et scientifiquement, on suspectait les étoiles autour de nous d’être très communes. Mais là, on a une étoile très proche qui possède un système multi-planétaire. La probabilité que cela se produise par hasard est insignifiante, donc il est finalement probable que toutes les étoiles ont un système multi-planétaire » conclut Alejandro Suárez Mascareño.
Baptiste Lavie confirme cette hypothèse, précisant que cette découverte prouve la capacité d’ESPRESSO à dénicher les petites planètes. « Il est donc fort à parier qu’ESPRESSO va en débusquer d’autres dans les années à venir. […] L’une des choses que nous cherchons à savoir c’est si les planètes transitent. Est-ce qu’elles passent entre nous et Proxima ? Si c’est le cas, nous pourrons alors connaître leur rayon et ainsi déterminer leur densité. Nous pourrions aussi étudier une éventuelle atmosphère, étudier la présence d’eau ou non, etc ».
Dans le cas contraire, les experts travaillent déjà sur un nouvel instrument de précision, RISTRETTO, ayant pour objectif d’observer la lumière de Proxima du Centaure réfléchie par la troisième exoplanète.
Photo : Cette vue d'artiste montre une vue rapprochée de Proxima d’une planète candidate récemment découverte en orbite autour de l'étoile naine rouge Proxima Centauri, l'étoile la plus proche de notre système solaire.
PHOTOGRAPHIE DE ESO/L. CALÇADA
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