Lettre ouverte aux Martiniquais(es)

Louis Boutrin ("La Tribune des Antilles")

Rubrique

Chères Martiniquaises, Chers Martiniquais, Mes Chers Compatriotes

L’année 2024 a été particulièrement éprouvante pour bon nombre de Martiniquais. Permettez-moi donc d’avoir une pensée particulière pour tous nos compatriotes victimes des débordements d’une crise sociale prévisible mais redoutée :

À ceux qui y ont payé un lourd tribut et qui ont tout perdu. À ceux qui ont vu leurs moyens de subsistances anéantis. Aux propriétaires de voitures calcinées, de bus carbonisés, d’entreprises incendiées, aux centaines de salariés réduits au chômage, au Pharmacien du Carbet et à son personnel désabusé. À ceux dont la souffrance demeure présente dans nos mémoires mais, curieusement, absente des discours et des vœux de nos principaux dirigeants.

À tous, que 2025 soit une année de Paix, de Résilience et de Prospérité pour surmonter les défis à venir.

Ce nouveau tumulte social que traverse la Martinique s’inscrit dans un climat d’incertitude économique, de conflits internationaux, de crise politique et financière en France et va laisser des cicatrices profondes dans notre société vulnérable. Reste à espérer qu’il soit aussi une opportunité de changement et d’audace, de prise de responsabilité pour plus de justice sociale et une amélioration réelle de notre quotidien.

C’est en effet dans cette difficile épreuve qu’il est essentiel de rappeler l’importance de la solidarité et d’une concorde martiniquaise.

C’est aussi dans ce contexte politique incertain tant au niveau national qu’international que l’ex-Président du Conseil exécutif, Alfred MARIE-JEANNE, vient d’appeler à l’organisation d’un Référendum d’autodétermination pour 2025.

Certains esprits chagrins battent déjà en retraite, brandissent à nouveau l’épouvantail du largage, retorquent que les Martiniquais se sont déjà prononcés lors de la Consultation référendaire du 10 janvier 2010, ignorant qu’en la matière « aucune génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures » (François Mitterrand).

Or, 15 ans après, une nouvelle génération se fait entendre, propulsée par la vague des réseaux-sociaux et Tik-Tok. De récents évènements nous conduisent également à penser que les opinions des Martiniquais peuvent varier et, sauf à avoir une conception tronquée du débat démocratique, nous nous devons d’engager un dialogue ouvert et respectueux entre concitoyens et d’examiner sereinement cette question. L’heure n’est plus à la peur, au chat an sak, ni à la fatalité concernant l’avenir de la Martinique. Il est impératif de clarifier cette arlésienne de l’indépendance, tant déclamée mais souvent ballotée entre postures et impostures.

A cet effet, les dispositions actuelles du 2nd alinéa du Préambule de la Constitution de 1958 consacrent le principe de libre détermination des peuples aux territoires d’Outre-Mer et offrent une telle perspective :

« En vertu de ces principes et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique ».

Pour ma part, je considère que cette vision nostalgique de notre histoire qui découle des luttes de libération nationale des années 60 du siècle dernier est aujourd’hui obsolète ce d’autant que les partisans de l’Indépendance ne se sont jamais donnés les moyens pour la construire.

L’évolution actuelle du monde nous oblige maintenant à envisager de nouvelles entités juridiques qui, à l’instar des Länder allemands ou des régions autonomes d’Espagne ou du Portugal, résultent d’un partenariat volontaire entre plusieurs collectivités, dans un même pacte républicain. Elle oblige aussi nos gouvernants à concevoir que des Collectivités à statut particulier puissent exister au sein de la République.

VERS UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE 
UN CADRE JURIDIQUE ADAPTÉ

En cette période mouvementée de protestation contre la vie chère, beaucoup d’acteurs politiques de ce pays affirment, urbi et orbi, qu’il faut sortir de l’économie de comptoir sans rien proposer de concret. Face à cette fuite en avant, la démarche prospective que nous préconisons aujourd’hui à MARTINIQUE-ÉCOLOGIE, devrait permettre, par la mobilisation collective, de concevoir le développement de manière plus endogène en s'appuyant davantage sur les Hommes et sur le Territoire. Ce nouveau modèle économique, d'approche territoriale, devrait faire émerger la nécessité d'un appareillage politique doté de la légitimité et de l'autorité pour concevoir un plan global d’aménagement et de développement durable, confirmant l'idée défendue par le Conseil de l’Europe selon laquelle « l'exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber de préférence, aux autorités les plus proches des citoyens ».

Il nous oblige dès lors à rompre avec le modèle ambiant qui consiste à superposer des lois pour répondre à une problématique pensée, elle aussi depuis Paris, selon une logique purement sectorielle à l’instar de celle préconisée par les gouvernements successifs qu’ils soient de Gauche ou de Droite.

Pour penser notre fondation au monde, il ne saurait être question de s’inscrire dans un texte juridique qui soit aveugle aux réalités historiques, culturelles, identitaires, organisationnelles qui régissent les rapports des peuples. Un texte juridique qui ferait l’impasse sur le préjugé de race fortement ancré dans une société martiniquaise gangrénée par un racisme décomplexé qui risque d’hypothéquer notre vivre ensemble.

Alors OUI, c’est dans ce contexte de contestation sociale dans un monde de plus en plus chahuté que nous demandons une clarification du cadre juridique en vigueur. Force est de constater que les difficultés actuelles du Président MACRON obèrent toute révision constitutionnelle envisagée en début de notre mandature. D’où mes propositions, à l’époque, pour un plan B.

Car, quand notre jeunesse, en désespoir de cause, choisit la rue pour se rendre audible plutôt que l’exil forcé, nous nous devons de trouver des solutions crédibles tenant compte du cadre constitutionnel actuel.

A ce niveau, si l’acquisition des compétences nécessaires à un développement soutenable et le cadre de notre Liberté passent par une Autonomie et la domiciliation de pouvoirs normatifs autonomes législatifs, réglementaires et fiscaux, abordons sereinement et en toute transparence le sujet. Donnons-nous les moyens d’organiser la réflexion nécessaire, pour clarifier, sans tabou, sans esprit hégémonique ni sectarisme, cette revendication récurrente abandonnée par les dirigeants actuels du PPM.

Alors OUI, l’Autonomie, construisons-là ensemble, dans le cadre d’un dialogue organisé avec le peuple Martiniquais. Saisissons donc l’opportunité du Congrès à venir pour poser les bases de ce chantier et bâtir un avenir meilleur.

C’est ainsi que nous pourrons transformer le désordre et la désolation en perspectives plus fécondes

Martinique, le 07 janvier 2025

Louis BOUTRIN
Avocat – Pdt Martinique-Écologie
Conseiller Territorial de Martinique

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Commentaires récents

  • "Les Arabes et les gens d’Afrique…" : cette annonce sur Facebook pour vendre une maison scandalise

    Scandaleux ..mais bien moins que la Tunisie.

    Nuit noire

    15/01/2025 - 11:42

    Scandaleux ,certes mais beaucoup moins que le sort actuel des Subsahariens en Tunisie à l’heure o Lire la suite

  • Yo tout-la té ka bo tjou'y, atjèman yo ka viré do ba'y !

    TOUS DES...

    Albè

    15/01/2025 - 08:05

    ...enculés ces politiques "de gauche" qui suçaient le Béké Hayot !

    Lire la suite
  • Yo tout-la té ka bo tjou'y, atjèman yo ka viré do ba'y !

    Albè mwen pa sisètib:...

    Frédéric C.

    15/01/2025 - 07:20

    ...man pa ka sisè pèsonn KRA KRA!!!... "Nuit noire", mwen kèy réponn ou pi ta, OK? Lire la suite

  • Yo tout-la té ka bo tjou'y, atjèman yo ka viré do ba'y !

    ADJENDJEN

    Albè

    15/01/2025 - 07:14

    Adjindjin moin ka métté ou adjindjin, bougue ! Foutte ou siceptib, ébé ! Lire la suite

  • Yo tout-la té ka bo tjou'y, atjèman yo ka viré do ba'y !

    Bébè, fout ou sirè!...

    Frédéric C.

    14/01/2025 - 20:24

    ...mwen pa ka mandé Fondas ban mwen pal-la dann!... Lire la suite