La mise hors-jeu des politiciens autonomistes et indépendantistes martiniquais

   Confortablement installés dans le système qu'ils dénoncent pourtant comme étant "colonial" ou "colonialiste", nos chers autonomistes et indépendantistes martiniquais n'ont rien vu venir.

   Tous les partis, de quelque mouvance qu'ils soient, ont été mis carrément hors-jeu par un mouvement qu'aucun d'eux n'avait pressenti, par des visages que personne ne connaissait jusqu'à ce jour et surtout par une revendication totalement inédite et pour le moins surprenante (et surréaliste) : l'alignement des prix pratiqués en Martinique sur ceux de la «Métropole" ou "la France hexagonale", expressions employées par ces nouveaux militants. Le PPM est resté bouche cousue jusqu'à ce jour, le MIM et ses alliés du GRAN SANBLE sont comme K.0, PEYI-A et ses députés hypocrites (souverainistes en Martinique, bons "Fouançais" à l'Assemblée Nationale) font le la récupération comme à leur habitude, ENSEMBLE s'est fait lapider à travers sa flamboyante sénatrice, le PS local, qui a brillamment remporté les législatives à Fort-de-France alors que sa fédération ne rassemblait guère plus qu'une douzaine de membres (victoire obtenue grâce aux soutiens... d'indépendantistes !) fait ses simagrées demi-approbatrices habituelles. Quant aux indépendantistes hors-système et anti-élections, leur demi-silence demi-approbation révèle la sorte de gêne qui les étreint.

   BREF, C'EST TOUT LE CORPS POLITIQUE MARTINIQUAIS QUI A SUBI UN KNOCK-OUT .

   S'agit-il d'un tournant générationnel ? Probablement. Mais il s'agit surtout de l'échec des mouvements autonomistes et indépendantistes martiniquais depuis un bon demi-siècle. Il est habituel de leur reprocher leur électoralisme mais là n'est pas du tout le problème. Le problème est ce qu'on fait une fois qu'on est élu ! Or, force est de constater que nos chers autonomistes et indépendantistes n'ont fait que gérer le système en place sous l'oeil tantôt bienveillant du "Pouvoir colonial" tantôt sourcilleux quand ce dernier estime que certains vont un peu trop loin (drapeau, hymne national, créole etc.). La question qui se pose alors est de savoir pourquoi nos autonomistes et indépendantistes n'ont pas cherché à faire bouger le système d'un demi-millimètre chaque fois qu'ils disposent du pouvoir local. POURQUOI ?

  On peut avancer trois raisons étroitement liées :  

 

   . quel parti autonomiste a noué des liens avec les responsables de territoires autonomes (Puerto-Rico, Catalogne etc.) pour voir comment les choses s'y passent ? Aucun ! Quel parti indépendantiste a cherché à savoir comment les choses fonctionnent dans les pays indépendants semblables au nôtre par la taille de la population et la superficie (Barbade, île Maurice, Cap-Vert etc... ? Aucun non plus ! Conséquence tout ce beau monde a été incapable, en un demi-siècle, de présenter le moindre programme crédible d'autonomie ou d'indépendance au peuple martiniquais ? Programme détaillé et chiffré, s'entend. 

 

   . deuxième raison de cet échec qui découle du premier : l'incapacité de convaincre le peuple de la viabilité d'une éventuelle autonomie ou indépendance. Quand, par exemple, un citoyen ordinaire demande à un indépendantiste comment l'Etat martiniquais fera pour verser des salaires chaque mois à ses pompiers, douaniers, policiers, magistrats, enseignants, infirmières, personnels administratifs etc..., aucun n'est capable de répondre ! Pourtant, il aurait suffi de se rapprocher, par exemple, de Mia Motley, la Première Ministre de Barbade, pour savoir comment elle s'y prend. Au contraire, on préfère se référer à Cuba lequel n'est aucunement un "micro-état", ce que sera la Martinique le jour où elle deviendra indépendante. Paris-Marseille c'est 800kms, La Havane-Santiago, c'est 1.000kms ! Aussi admirable que soit Cuba, elle n'a pas du tout les mêmes problème qu'un micro-état. Si elle est dans une situation dramatique, c'est uniquement à cause du blocus scélérat imposé par les Yankees dès les années 60 du siècle dernier. Sinon, nos indépendantistes n'ont jamais cherché à expliquer non plus au peuple que l'indépendance ne signifie pas la rupture totale avec la France et l'Europe. Non seulement ces derniers continuent à aider leurs anciennes colonies (à travers notamment l'AFD ou Agence Française de Développement), mais nous pourrons compter sur l'appui, comme c'est le cas de la Caraïbe anglophone, d'une bonne trentaine de pays non-européens : Chine, Turquie, Emirats, Brésil etc... Ainsi, avant que les Yankees n'infligent un blocus au Venezuela, ce dernier à travers PETROCARIBE, livrait du pétrole à moitié prix, par solidarité internationaliste, à divers pays de la Caraïbe. 

 

   . troisième raison : la Martinique est le seul territoire sous tutelle où autonomistes et indépendantistes se livrent à une guerre implacable alors que partout ailleurs (Corse, Kanaky, Tahiti, Québec, Catalogne etc.), ces deux tendances parviennent à établir un compromis entre elles ou à tout le moins à trouver un modus vivendi. Il s'agit en réalité d'une guéguerre d'ego entre petits et grands chef qui s'imaginent qu'ils pourront à eux seuls faire bouger les choses. Le culte du Nègre Fondamental ou du Chaben Fondamental a été néfaste tant pour la cause autonomiste que pour la cause indépendantiste.

 

   Si la révolte actuelle contre les prix pratiqués par les Békés blancs et les Békés de couleur (ni Centre Commercial Place d'Armes ni le Centre Commercial La Galleria ni le Centre Commercial Le Rond-Point etc... n'appartiennent à des Békés blancs !) est totalement justifiée, la solution qui est proposée par les nouveaux militants a de quoi laisser perplexe. Est-ce qu'aligner les prix sur ceux de la "Métropole" ne serait pas, de facto, la nouvelle appellation de la fameuse "continuité territoriale" ? Continuité qui prétend abolir les 7.000kms entre notre île et l'Hexagone ? Certes, si les prix en viennent à être rabotés, cela ne pourra qu'être bénéfique pour les 30% de Martiniquais qui vivent sous le seuil de pauvreté, mais se limiter à une revendication économique sans jamais évoquer comme solution, même à long terme, d'une rupture avec la France, ne revient-elle pas à renforcer la tutelle que cette dernière exerce sur nous ? Voire à éteindre définitivement toute velléité autonomiste ou indépendantiste ?

   Ne pas se poser cette question revient ni plus ni moins qu'à se cacher la tête sous le sable. Notre seul salut ne peut provenir que d'une autonomie à court terme et une indépendance à moyen terme. Sans démagogie noiriste...

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