Oeuvre au blanc : lessiver.

Loran Kristian

« Je fondai moi-même dans mon cœur le devenir de mes devenirs de mes devenirs dans les devenirs des enfants, dans les devenirs de leurs enfants… »

Livre pour sortir au jour

     

Lessiver la parole pour la rendre claire et limpide, comme à la télé. En structure désorientée perdant le sens des lueurs matinales, de l’autre côté du ciel.

 

Quand par hasard, ou par malheur, il arrive de tomber sur une télé vision, c’est toute la distance du bruit et de la poudre qui étrangle sans les mains, avec des flashs de corps humains heureux comme des signes électriques. Sous l’écran, circulent de nouveaux codes via de nouveaux décors ; une belle part du programme consistant à capter l’attention par amplification du mouvement de crise et d’accélération des clameurs du désastre. Amplification du renversement de l’image et du son, accélération du volume de sidération.

 

Dans la catégorie des signes troublants, il y a ce nombre : 972. Symbole d’un appariement de graphes portant la relation binaire sur les fonds abyssaux des origines, dans l’enchevêtrement d’un indicatif et d’un infinitif. L’indicatif du pays Israël et l’infinitif du pays Martinique. Une paire scellant l’article premier d’un code noir en des miséricordes éternelles, partagée entre unité de colonisation et unité colonisée.

 

A l’indicatif, ce mode d’intelligence artificielle et personnelle, il est permis de désigner des cibles potentielles pour saisir, atteindre ou s’emparer du feu et de l’action. Ce qui fabrique un temps d’étranglement humain, où l’on garde les mains propres, blanchies, dans la chaux des récits déclarés d’occident. Car dans d’étroites régions du monde, en cause comme en effet, il convient de prendre soin de ses manières d’agir et d’être agi. Des façons d’étrangler et de bomber, des vues de conquête et des façons d’employer la force contre la liberté.

 

Pour ce faire, la société se forge des droits, des pouvoirs normatifs, ou plus exactement un droit : le droit international, qu’elle dit aussi droit international humanitaire, pour renommer le droit des conflits armés, ou surnommer le droit de la guerre.

 

À l’infinitif, que l’on se figure la chose abstraitement ou concrètement, ceci se déroule dans un champ de bataille et de sens, autrement dit dans un théâtre. Un théâtre d’opérations, avec ses mots, ses règles à suivre et ses conduites à tenir, en hostilité. Un théâtre faisant la part belle aux masques, aux costumes et instruments divers. Un espace dans lequel la protection humanitaire donne tout bonnement le droit de tuer, celui de blesser ou de causer des destructions à ses ennemis, mais aussi d’imposer à son monde des mesures strictes de sécurité. Cela se nomme nécessité. Car rendu nécessaire, obligé, par la contrainte et la force. Nécessité militaire, dit-on, soucieuse des légitimes préoccupations d’humanité, dit-on toujours. Ainsi vont les mots belligérants, ceux qui viennent de front comme les plus latéraux, ceux qui viennent à côté des buts principaux, des tueries principales. Les maux nécessaires, dit-on.

 

De là, tout se lessive avec l’arase venue des niveaux supérieurs, des hauteurs où l’on recèpe et nivelle au besoin, pour les suites à donner. Des causes et des effets que l’on vice en pertes et dommages raisonnables, par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu. En donnant dans ces conseils de sécurité, pour maintenir la paix, puis qualifier, condamner ou bien autoriser certains usages de la force, en vertu d’une qualité de membre.

 

Une communauté internationale de dirigeants. Une communauté internationale de dirigés.

 

Il faut ici, envisager le moment sécant comme un mouvement de réhumanité générale par lequel ce qui revêt la plus haute importance dans la perpétuation du crime : la paix du commerce, la sécurité des échanges économiques, la légitime défense des intérêts, est aussi ce qui informe le principe de nécessité des maux et souffrances jugées utiles. Un mouvement social de convection, charrié des peurs et des doutes issus des répétitions traumatiques, entoilé par le dévoiement du monde à désigner une voie juste-éthique.

 

Si l’on considère une toile d’union ou de réunion tel un un piège de capture, où la chimie des tractions et la fonction vibratoire occupent la soie des avancées, il faut garder en lien la géométrie des substrats qui font un disque collant au temps, au nappage des lieux, un pouvoir constituant le ressort de tout degré de liberté. C’est dire l’immense, l’intense, en esprits assemblés par des fils d’accroche, décollant sans se rompre, pour mieux lacer l’acte sensible au sens de l’action.

 

C’est dire aussi que par ce lieu commun, Terre-eau-feu-aiR, tramé dans telle fluence rigidifiée, les intrigues se nouent en sourde patience des cœurs, à la force des paupières, à l’encre des lunes et des attaches nocturnes, pour fronter les pouvoirs et les morgues en faisant mine d’y croire. En personnes civiles, en biens de caractère civil soumis aux causes et aux dommages des armes, des projectiles et des matières militaires, exposées aux aveuglements, aux empoisonnements comme aux éclats des buts.

 

Mais puisque nous n’avons que du temps à perdre, outre-temps à corrompre, pourquoi dévier l’espoir jappé ? Pour qui ? Entendu les textures arachnéennes (sons des diplomaties ornées de mues insaisissables), et vues les fortifications taillées de briques capitales avec l’argile des races, ne faut-il pas considérer tout le réseau et sa police comme des remparts devant la case du diable ? Protégements de devenirs et revenirs, de joies de bouler, de bouler en cendres les volontés d’aider ; d’en solider l’étourdissement, la commotion générale, et ne laisser qu’un souvenir de solidarité active, cristallisé dans le béton des cendres volantes.

 

Cela même. Aux arrondis, aux angles morts. Qui nous cache le partage du crime et du bénéfice d’affaires, comme condition sine qua non du travail de la violence. Lui pour qui tout se tient, dans des propriétés et des appartenances pensées comme des choses publiques, des états de droit et de devoir de protéger, pour acter la capture autant que la punition. Grassement rémunéré au prix du chantage à l’insécurité, chant du chaos, entonné pour divertir le manque d’assistance aux personnes en danger, l’addiction, le logement, le boire et le manger, l’activité qui s’emploie partagée, le muraillement dans la colère.

 

En musique vieille comme le gouffre d’une barque, accordée à prendre des vies à l’abri des regards, voire en faisceaux d’obscurité : du crime et des brûlures à n’en savoir que faire, des couches de poussière pour épiderme, et pis, des larmes évaporées dans la clameuse nuit. C’est pour grandir et faire un chemin au travers du désert, une expérience d’aucune mémoire, d’aucun oubli, de non-lieu et de non-temps, que chacun vive en pleine conscience et plein mirage : le renfoncement dans la terreur, et notre abolition.

 

Abolir l’Homme. Prenant parti pour le règne, la puissance et la gloire, quand bien même l’expérience tourne, en quiconque et en quelconque manière, à l’usage d’une ronde embrenée, dans les siècles des siècles. Abolir ses droits de pesées et ses devoirs imaginaires. Toute une cuvée hors d’âge, inextricable, macérant au massacre justifié, intelligé, artificialisé, au maniement des langues sombres et aux sourires de veloutement. Car c’est à toi qu’appartiennent les jours venants et les poèmes d’allants, toi seul et ton courage, ton cœur donné aux sages comme aux ombres en dérive, ta chair et ton sang qu’aucune arme ne cause, endoloris en caches puis en merveilles pour vaciller les fins du monde.

 

Il n’y a rien ni personne sur qui compter ou décompter la morale de l’histoire. Il y a nous, en chacun ce nous, expérance unique, en pile et sur nous-même, inférence qui se donne libre cours par le milieu du viol de nos institutions, violence administrée. Ces rigueurs qui réforment pour empêcher que nuisent le corps émancipé.

 

Décider du chemin et de la voie, décider des genres et des allures, décider des horizons et des buts, décider des contrôles et des sanctions, décider du vocabulaire et des grammaires, décider des enferrements ou des enfermements, tout un détour politique rythmé par le profit tiré d’une toile en fil diffus, dans laquelle tombe tout ce qui le cède au cul de sac.

 

Diminuer donc l’étranglement et l’asphyxiant à venir, afin qu’un disparaître prenne la suppuration humaine, en grande méfiance d’un revenir. Prendre la main, mon bibi. Partout le monde. Qu’une solution n’entrouve que désindividuée. Empêchant que l’absolutie n’érige le pouvoir en coup d’état permanent d’un général gogol. Quel que soit la taille ou le prix du conseil, choisir de compter, décompter et révoquer à la lettre tous les mandats, le devoir n’étant pas un service. Le droit, nullement un précipice de civilisation. Le possible-devenir appartenant à celle que l’on a outragée, embarquée, lessivée puis bles-sée.                                                                         

 

 

 Loran Kristian, mai 2024

« L’achronique continu »

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