Pesticides : l’interminable fiasco des plans Écophyto

Les opposants à l’empoisonnement aux pesticides sont en colère. Alors que le Comité d’orientation et de suivi de la stratégie Écophyto 2030 se réunit le 13 mai, ils dénoncent les énormes renoncements de la France.

« Une perte d’ambition totale », tance François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures, en préambule de la réunion du Comité d’orientation et de suivi (COS) de la stratégie Écophyto 2030, mardi 13 mai. « On n’a rien réussi du tout, on a trafiqué le thermomètre », dénonce-t-il.

Un an s’est écoulé depuis le lancement de la nouvelle feuille de route qui vise à réduire de 50 % d’ici 2030 l’utilisation et les risques liés aux pesticides, par rapport à la période 2011-2013. Sauf qu’elle correspond, selon François Veillerette — également membre du COS —, à un abandon pur et simple des objectifs des précédents plans Écophyto. En cause, un changement d’indicateur et de la période de référence, qui permettent d’afficher une trajectoire de baisse plus importante.

Une promesse de Gabriel Attal

Rembobinons. En janvier 2024, les manifestations agricoles montaient en intensité. Depuis des mois déjà, les panneaux d’entrée de ville étaient retournés un peu partout en France. En Occitanie, des agriculteurs ont bloqué l’autoroute A64 pendant plusieurs jours. Une explosion s’est produite dans les bâtiments de la Direction régionale de l’environnement à Carcassonne.

Pour tenter d’apaiser la colère, le Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, promettait le 1ᵉʳ février la « mise à l’arrêt » du nouveau plan Écophyto 2030 et surtout une modification de taille, qui revient à le vider de sa substance : le remplacement de l’indicateur historique de réduction de l’utilisation des pesticides, le nombre de doses unités (Nodu), par l’indicateur européen de risque harmonisé 1 (HRI-1).

De 0 % de baisse à …45 %

Le Nodu, calculé à partir des données de vente des distributeurs de pesticides, indique le nombre de traitements moyen appliqués chaque année sur l’ensemble des cultures du pays. Le HRI-1, lui, additionne les quantités de substances actives de pesticides vendues chaque année, en ajustant en fonction de quatre niveaux de risque.

Le petit tour de passe-passe consistant à passer de l’un à l’autre a permis de maquiller en réussite un échec manifeste : avec le Nodu, la réduction de l’usage de pesticide entre 2023 et la période 2011-2013 aurait été de 0 % ; avec l’indicateur HRI-1, la baisse est de 45 %, selon une note du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) dévoilée par Contexte en août 2024.

« Scientifiquement, c’est une daube infernale »

Surtout, le HRI-1 est réputé de très mauvaise qualité. « C’est un indicateur mixte qui mélange du risque et de l’usage. Les torchons et les serviettes sont mélangés dans la confusion la plus totale. Scientifiquement, c’est une daube infernale », alerte François Veillerette. Pire, il pourrait favoriser des pesticides dangereux au détriment de produits utilisés en agriculteurs biologiques.

« Ainsi, avec cet indicateur, mieux vaut utiliser 50 grammes par hectare d’un fongicide très toxique, plutôt que deux kilos d’un fongicide minéral utilisé en agriculture biologique », s’indigne le porte-parole de Générations futures. Dans sa note, le SGPE lui-même reconnaissait que la pondération associée à chaque catégorie de substance active « ne [relevait] pas d’une expertise scientifique ».

Conscients de cette faiblesse, les ministres en charge du plan Écophyto ont demandé à l’Inrae des suggestions d’amélioration de cet indicateur. « L’Inrae a rendu son rapport à nos ministres en janvier dernier. La présentation globale des recommandations du rapport sera faite lors du COS devant nos ministres par le PDG de l’Inrae », assure-t-on au ministère de l’Agriculture.

Autre signal inquiétant, le plan Écophyto est désormais relié au Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada), dont le bilan sera également présenté ce mardi lors du COS. Objectif de ce plan lancé en 2023 : trouver des solutions alternatives à 75 substances actives sur la sellette au niveau européen.

« 28 projets multipartenariaux ont été lancés qui concernent huit filières et représentent 143 millions d’euros », se félicite-t-on au ministère de l’Agriculture. Sauf que « mettre le Parsada au cœur de la stratégie Écophyto est aberrant, puisqu’il ne s’agit pas de raisonner les systèmes avec des mesures agronomiques telles que moins d’azote, plus de rotation des cultures, des semis moins denses et plus tardifs, mais d’accélérer la venue sur le marché de nouvelles substances pour remplacer celles qui seront interdites », se désole François Veillerette.

10 ans de renoncements

Cet affaiblissement du plan Écophyto est un nouvel épisode d’une longue série de renoncements successifs. Le premier plan, lancé en 2009, visait une réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides à l’horizon 2018. En 2015, face au retard accumulé, l’échéance a été repoussée à 2025.

Rebelote en 2024, avec ce nouveau report à 2030, avec en plus le changement d’indicateur mentionné plus haut. Mais aussi de la période 2011-2013 de référence, ce qui revient à baisser encore plus l’ambition, puisque le volume de pesticides utilisés à période était supérieur à celui de 2008.

« En 2009, nous nous étions dotés de l’objectif le plus ambitieux d’Europe avec le meilleur indicateur d’Europe. Aujourd’hui, nous avons le même indicateur que les autres, avec un objectif déjà presque atteint sans changer les systèmes de production », résume François Veillerette.

Cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs…

Pourtant, les enjeux sont de taille. Publié en 2021, le rapport de synthèse Pesticides et effets sur la santé de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) confirmait la « présomption forte » d’un lien entre exposition aux pesticides et lymphomes non hodgkiniens, myélome multiple, cancer de la prostate, maladie de Parkinson, troubles cognitifs, bronchopneumopathie chronique obstructive et bronchite chronique chez les agriculteurs.

En 2022, l’Inrae et de l’Ifremer établissaient que « l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins — notamment côtiers — sont contaminés » par les pesticides, avec « des effets directs et indirects […] sur les écosystèmes et les populations d’organismes terrestres, aquatiques et marins », notamment le déclin des pollinisateurs, des invertébrés aquatiques et des oiseaux communs.

« On a l’impression que c’est la FNSEA qui dirige le ministère »

Entre 1980 et 2024, 13,2 % des 14 300 captages d’eau fermés l’ont été pour cause de taux hors normes de pesticides et de nitrates. Le gouvernement en a d’ailleurs pleinement conscience : il a lancé en mars une feuille de route pour la protection renforcée des captages d’eau potable et travaille à un « dispositif de santé publique d’information sur l’exposition » aux pesticides visant à « accompagner et informer les riverains » des zones d’épandage.

Tout cela manque cruellement de courage politique, selon François Veillerette : « Réduire les pesticides, c’est un choix politique. Mais Gabriel Attal a tout cédé en trois jours. » La situation ne s’est guère améliorée depuis. « On a l’impression que c’est la FNSEA qui dirige le ministère. Sur la réautorisation des néonicotinoïdes, la ministre de l’Agriculture a baissé la tête, regardé ses pompes et dit qu’elle ne se prononcerait pas. Le Premier ministre, lui, est totalement absent. »

Même constat du côté de Sylvie Colas, secrétaire nationale de la Confédération paysanne, agricultrice bio dans le Gers et membre du COS : « La caisse des aides à la conversion est excédentaire de quasiment un milliard d’euros en raison de la baisse du nombre de conversions et le gouvernement ne veut pas les convertir en aide au maintien, alors que les déconversions se multiplient. Ce serait pourtant un levier évident de baisse d’utilisation des pesticides ! Il n’y a rien qui avance, au contraire. »

Connexion utilisateur

Commentaires récents

  • La photo qui le trahit...

    JE RIGOLAIS...

    Albè

    15/05/2025 - 13:45

    Tik Tok met des trucs de 5mn au grand maximum et ne pourrait pas contenir un livre de 200 pages. Lire la suite

  • La photo qui le trahit...

    Je ne regarde guère Tik Tok...

    Frédéric C.

    15/05/2025 - 13:22

    ...très peu d’éléments sont "sourcés"... Lire la suite

  • Echorouk News : la chaîne suspendue pour “propos racistes” sur les migrants africains

    FOURBIS !

    Albè

    15/05/2025 - 12:57

    Fourbis ! Fourbis tes arguments, mec ! De toute façon, on les connait : le blanco-suprémacisme. Lire la suite

  • Echorouk News : la chaîne suspendue pour “propos racistes” sur les migrants africains

    T'en fais pas !!!

    ven

    15/05/2025 - 11:16

    Tu penses bien que je vais réagir à ça !!! Je fourbis mon commentaire...je les
    Lire la suite

  • Echorouk News : la chaîne suspendue pour “propos racistes” sur les migrants africains

    BIZARRE SILENCE-RADIO...

    Albè

    15/05/2025 - 10:54

    ...de celui qui multiplie les pseudos afin de polluer la rubrique "Commentaires" de FONDAS K. Lire la suite