L'annonce faite par le Président du Conseil exécutif, S. Letchimy, et le député J. Hajjar qu'ils ne se représenteront aux fonctions respectivement de président et de secrétaire général du PPM (Parti Progressiste Martiniquais) lors du congrès du parti fin novembre a fait l'effet d'une bombe.
D'autant que l'argument avancé est celui du passage de témoin générationnel comme si Letchimy et Hajjar faisaient partie de ces quasi-octogénaires qui squattent les présidences de partis, de syndicats ou d'associations dans ce petit pays de Martinique ! En effet, seule la maladie pousse généralement nos politiciens et autres dirigeants vers la sortie, travers qui a une conséquence fâcheuse : les quinquagénaires qui auraient dû logiquement se retrouver aux plus hauts postes politiques en sont réduits généralement à jouer les seconds rôles. Si donc l'argument avancé par S. Letchimy et J. Hajjar s'avérait vrai, ce serait par conséquent tout à leur honneur.
Mais qu'on nous permette d'en douter !
Il nous semble plus probable que cela découle d'une grave crise interne au sein du PPM qui a commencé avec l'adoption du drapeau rouge-vert-noir et d'un hymne martiniquais avant de culminer avec la co-officialisation du créole et du français. A vrai dire, le PPM et ses alliés n'avaient battu le Gran Sanblé en 2021 que de 3.437 petites voix et 1 siège de majorité, la prime de 11 sièges à la liste sortie en tête leur sauvant la mise. Il n'y aurait pas eu la fronde de membres du MIM partis créer PEYI-A, les reculades du RDM et le retrait de BA PEYI-A AN CHANS que le PPM et ses alliés auraient à nouveau pris une raclée comme en décembre 2015 quand le GRAN SANBLE les avaient distancés de...15.000 voix.
Or, en dépit de la grave destabilisation de ce dernier, le PPM ne l'a battu qu'avec trois-mille et quelques voix !
C'est la preuve qu'il y avait déjà, bien avant le trio drapeau-hymne-langue-créole, des dissensions qui couvaient au sein du PPM. Dissensions que ledit trio a fait éclater au grand jour. Les dirigeants du PPM ont ignoré d'abord le fait que dans la tête de presque tous les Martiniquais et donc de beaucoup de ses militants, le drapeau rouge-vert-noir est considéré comme le...drapeau-Malsa ou en tout cas le drapeau des indépendantistes. Contrairement à la Corse, et c'est une bizarrerie que nos politologues devraient nous expliquer, autant les autonomistes peuvent s'allier avec la Droite (exemple : avec OSONS OSER de feu Pierre Petit) et les indépendantistes s'allier avec cette même Droite (exemple : avec BA PEYI-A AN CHANS de Yan Montplaisir), autant l'alliance entre autonomistes et indépendantistes a toujours été problématique et est même au fil du temps devenue carrément impossible.
Or, à bien regarder, ne serait-ce pas là l'une des causes de l'impasse politique dans laquelle se trouve la Martinique ?
Donc l'adoption du drapeau rouge-vert-noir et de l'hymne avaient déjà indisposé sans doute nombre de militants du PPM, mais la co-officialisation du créole et du français a été la mesure de trop. L'étincelle qui a fait exploser les dissensions ! Comment des dirigeants politiques aussi avertis ont-ils pu ignorer que la haine du créole (ou créolophobie) est profondément enracinée chez les Martiniquais ? Cette haine relève à bien regarder de l'auto-négrophobie et de l'auto-couliephobie et de rien d'autre. C'est tout cela qui a poussé des militants importants du PPM à prendre la plume et à dénoncer publiquement la co-officialisation, demandant même à S. Letchimy s'il n'essaierait pas de conduire sournoisement la Martinique vers l'indépendance. Si son équipe s'était rapprochée des créolistes, notamment universitaires, ils lui auraient expliqué les obstacles, les coups bas et les haines auxquels ils se sont retrouvés exposés au cours des 40 dernières années. Or, le PPM n'a pas consulté lesdits créolistes s'agissant de la co-officialisation, ce qui est son droit le plus absolu, mais il en paye les conséquences. Si jamais les élections territoriales devaient se dérouler en 2024, nul doute le PPM aurait pris une raclée pire que les 15.000 voix de décembre 2025 car nombre de ses sympathisants et membres auraient voté contre lui (ou se seraient abstenus).
C'est que pour les Martiniquais, tant que le créole demeure un idiome oral vec lequel on peut échanger des milan, s'engueuler, chanter pendant le carnaval ou à la Noël, discourir sur les tréteaux électoraux, raconter des blagues, tant qu'il demeure au stade du "bal-boudin-accras-ti-punch", il n'y a aucun problème. Mais dès l'instant où il s'agit de le transformer en langue de plein exercice c'est-à-dire de langue écrite (et donc du même niveau que le français), là ça ne marche pas du tout-du tout-du tout ! Les indépendantistes qui participent au jeu électoral le savent pertinemment et c'est pourquoi, alors même que la création d'un OFFICE DE LA LANGUE CREOLE figurait noir sur blanc dans leur programme de décembre 2015, ils n'ont pas bougé d'une maille sur le sujet pendant toute leur mandature.
En fait, les dirigeants du PPM se sont tirés une balle dans les pieds avec cette affaire de co-officialisation du créole. Ils ont fragilisé, voire fracturé leur parti, et les dissensions internes y ont redoublé, chose qui, à notre avis, explique, davantage que le passage de témoin générationnel, le retrait de S. Letchimy et S. Hajjar de la direction du parti. A leur honneur toutefois, la co-fficialisation n'a absolument rien d'une démarche électoraliste car il faut être complètement à l'ouest pour s'imaginer une seule seconde que promouvoir le créole peut rapporter des voix ou faire gagner une élection. C'est même l'exact contraire !
Seule consolation pour ces dirigeants, c'est que les générations futures les remercieront pour cette audace. Nos arrière-petits-enfants leur diront MERCI !...Si jamais la langue et la culture créoles existent encore en 2050 évidemmment, ce qui n'est pas évident du tout car le processus d'"hawaïsation" pointé du doigt par Edouard Glissant dès 1981 est en marche. De manière quasi-inexorable si rien n'est fait pour le bloquer...
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite