Depuis toujours, le magnifique vêtement que portaient les femmes antillaise jusqu'aux années 60 du siècle dernier, savant mélange d'Afrique, d'Europe et d'Inde fut appelé "le costume créole".
Soudainement, par on ne sait quel tour de passe-passe, son nom a changé et est devenu "la tenue traditionnelle" !!! Ce changement n'a pas affecté seulement ce vêtement mais nombre d'autres domaines tels, par exemple, la cuisine passée depuis quelque temps de "cuisine créole" à "cuisine traditionnelle". Ce changement de dénomination est le résultat de pressions noiristes visant à diaboliser le terme "créole" au motif qu'il désignerait les Békés, ce qui est à la fois faux et idiot. En effet, de 1635 à 1848 (abolition de l'esclavage), le terme "créole" désigna tout ce qui était "né et élevé aux Antilles" ou ""fabriqué aux Antilles" par opposition à ce qui l'était en Europe et en Afrique.
"Créole" désignait donc tout simplement l'autochtonie : blanc créole, noir créole, cuisine créole, costume créole, cheval créole, jardin créole etc...
Ou plus exactement cette néo-autochtonie qui s'installa à partir du moment où les vrais autochtones, les Kalinagos ou Caraïbes, furent, hélas, exterminés. De 1635 à l'abolition donc, le terme "créole" n'eut aucune connotation raciale et désigna simplement les nouvelles réalités qui se mirent en place dans les îles. Puis, en 1848 se posa la question de savoir QUI était légitime dans ces dernières ? Question qui ne se posait pas auparavant puisque les Noirs n'étaient pas des citoyens mais du "bois d'ébène". Les Békés déclarèrent alors à ce moment-là qu'ils étaient les seuls vrais habitants des iles, les seuls autochtones et donc créoles et que ceux que leurs journaux qualifiaient durant tout la deuxième moitié du 19è siècle d'"Affricains" n'avaient qu'à retourner en Afrique ! Leurs cousins blancs américains parvinrent, eux, à mettre en pratique cette sorte de deuxième déportation en créant deux états artificiels en Afrique de l'Ouest, le Libéria et le Sierra-Leone, où des esclaves américains affranchis et se mirent à dominer les populations africaines tels des néo-colons.
S'étant donc appropriés, après l'abolition de l'esclavage du terme "Créoles" afin de justifier la perpétuation de leur domination, cela au nom d'une fausse autochtonie, cela conduisit les dictionnaires français de la deuxième moitié du 19è siècle à définir ainsi le terme "Créole" : "Blanc de pure race né aux Antilles". Définition du plus haut comique puisqu'elle sous-entend qu'l existerait des "Blancs" qui ne sont pas de "pure race" ! Définition surtout en phase avec les théories racistes pseudo-scientifiques qui se développèrent à la même époque sous la plume de De Broca et surtout de Gobineau, auteur du tristement célèvre ouvrage "De l'inégalité des races humaines" (1855).
Toutefois, ce véritable rapt sémantique opéré par les Békés sur le terme créole ne réussit jamais totalement. Ainsi, pendant la Première Guerre Mondiale, les soldats antillais, Noirs et Mulâtres dans leur quasi-totalité, furent regroupés dans des "Bataillons créoles". Ou encore, en 1954, lorsque les fonctionnaires martiniquais firent quatre mois de grève pour obtenir la même prime de 40% de sursalaire que leurs collègues métropolitains, la presse locale s'indigna du traitement discriminatoire de l'Etat à l'encontre des "fonctionnaires créoles". Plus tard, en 1989, dans l'ouvrage Eloge de la Créolité, ses trois auteurs mirent en pièces le rapt sémantique béké. On s'imagina alors que l'affaire était définitivement close et que "Créole" renverrait, comme avant l'abolition, à "autochtone" mais c'était sans compter sur l'idéologie noiriste qui se développa dans certaines franges de notre jeunesse. Cela sous la houlette d'idéologues à la petite semaine qui, soit-dit en passant, ne parlent quasiment jamais de la nécessaire accession de nos îles à la souveraineté.
Pour en revenir à cette expression de "tenue traditionnelle", ses auteurs ne se rendent même pas comptent qu'ils sont en contradiction avec l'objectif qu'ils affirment à savoir inciter nos femmes à recommencer à s'habiller de temps à autre avec lui. En effet, toute tradition est figée, passéiste, incapable le plus souvent de se renouveler. Que les promoteurs de cette initiative disent donc "costume martiniquais", "costume antillais" ou "costume caribéen" (puisque le terme "costume créole" utilisé pendant trois siècles leur reste en travers de la gorge), mais par pitié !, qu'ils nous épargnent ce terme à la con de "traditionnelle" !
Et que nos restauteurs cessent d'afficher ces panneaux à la con de "cuisine traditionnelle" !...
NB. Au fait, dans ce pays INDEPENDANT qu'est Sainte-Lucie, on dit "had kréyol" (nous dirions "rad kwéyol") et non "had tradisionnel". Comme on peut le voir dans la vidéo ci-après.
Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite
...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite
...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite
...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite
ce sera très drôle! Lire la suite