Depuis que les citoyens de l'île de Mada (abréviation de "Madafa") ont appris que cette année 2025 est celle du 100è anniversaire de l'auteur des Damnés de la terre (1961) une sorte de fièvre s'est emparée d'eux.
Fièvre que la médecine n'a pas encore étudiée mais que l'on peut nommer la "citationnite".
Elle n'est pas mortelle comme la péritonite ou la méningite mais elle a pour effet de rabougrir encore davantage le cerveau des fréquentateurs assidus ou frénétiques des réseaux asociaux, en particulier le plus débile d'entre eux à savoir Tik Tok. De quoi s'agit-il exactement ? De ceci : on prend une citation de n'importe quel livre de Fanon et on la placarde sur sa page ou son mur (virtuel), tout fier d'avoir contribué à l'édification des Madafiens. La citation favorite, inlassablement placardée et qui finit par nous casser les bonbons est la suivante :
"Chaque génération doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir".
Doit-on rappeler à cette armada de citateurs ou de citationneurs qu'une citation n'a de sens qu'insérée dans un texte qui la précède et un autre texte qui la suit ? Une citation hors-sol ou plutôt hors-texte a même un effet plus néfaste : elle se voit transformée en verset. En verset de la Bible, du Coran ou de n'importe quel texte religieux. Ou en mantra, ce qui est "aussi pire" avec tout le respect qu'on pour le bouddhisme et l'hindouisme. Mais la citationnite a un effet encore "plus pire" : elle dispense les gens de lire les ouvrages de l'auteur cité. Ainsi nombre de Madafiens sont persuadés de connaitre Fanon parce qu'ils ont lu une citation de trois lignes et demi de lui sur un réseau social. Comme ce sont presque toujours les mêmes citations qui reviennent, elles finissent par s'imprimer dans l'esprit des Facebookiens, Instagramistes et autres Tik-Tokeurs, les persuadant qu'ils et elles maitrisent le sujet.
Bon, oui, c'est vrai que c'est chiant de lire des bouquins ! Regarder un match de foot, une série ou un concert à la télé ou surfer sur les réseaux sociaux, c'est évidemment plus bandant ! Mais quand on est un territoire si minuscule qu'on ne le voit même pas sur une carte du monde et qu'on a la chance de posséder un penseur connu du monde entier comme c'est le cas de Fanon, un minimum de respect à son égard voudrrait qu'on lise au moins un livre, un seul, de ses livres. Au moins en cette année du 100è anniversaire de sa venue au monde. Au moins...
NB. Il est vrai qu'à Mada, l'expression "internationalement connu" est, hélas, galvaudée. Elle est fréquemment appliquée à des gens qui rayonnent de la Savane des Pétrifications à Fonds-Zombi.
- Se connecter ou s'inscrire pour publier un commentaire
- 168 vues
12/04/2025 - 20:44
11/04/2025 - 22:47
29/03/2025 - 11:55
26/03/2025 - 07:41
Commentaires
c'est drôle, je découvre cet article alors que...
Frédéric C.
12/04/2025 - 16:57
...je viens de mettre un commentaire sous un autre concernant Fanon, mais qui était dans la rubrique "Rigoladri". J'y insistai sur la nécessité de lire et relire Fanon, d'examiner son itinéraire, etc.... Et là, ne fréquentant guère les RS ni TikTok (mwen ja ni asé dèkdèk alantou mwen), de quoi m'apercevois-je-t'yèl? Le citationnisme envahit aussi Tik Tok et Cie... Bon, M. le rédacteur, c'est vrai que c'est dur, de lire, surtout que Fanon n'est pas toujours un auteur facile. Mais il y a quand même un minimum d'hygiène intellectuelle à avoir. Car ne pas lire autre chose que la Une de France-Antilles ou une affiche de cinéma, c'est être malpropre! Et question "décrassage intellectuel", Fanon il l'impose!... Je serais curieux de savoir qui, dans la "classe" politique mquaise actuelle (entre 30 et 70 ans), a vraiment lu au moins un livre de Fanon. Pas linéairement, comme on lirait Harlequin, mais en se forçant à comprendre, avec un dictionnaire et un atlas à portée de main, ceci quitte à s'y reprendre à plusieurs fois sur le même passage... Mais je préfère ne pas essayer de savoir.