Décordé

Loran Kristian

Jouer d’un instrument, faire de la musique, produire dans l’espace une suite de notes durant un temps donné, puis changer le cours des évènements. Tous les joueurs de musique du dimanche connaissent ça. Quelle que soit cette musique, il y a entre l’oreille qui l’entend et l’espace de son émission, un instrument. Un bagage qui sert à produire, à exécuter, à réaliser. Avec des tuyaux, avec des percussions, avec des cordes, avec du vent ou tout ce que l’on trouve dans le monde des bits. Un butin avec, au final, un timbre qui créera des vibrations, ici et là.

Quelle musique joue donc le monde aujourd’hui ? Quel est son livre des sons ? Quelle est sa livrée de mots ? Si nos sociétés sont des compositions originales, traversées par des lignes de force et de pouvoir, des gammes de tensions et de contradictions, des mouvements de mort et de mensonge, comment y demeure encore, infiniment belle et précieuse: l’envie de vivre ?

Car nous demeurons biens en habitation. Quelle que soit la manière dont s’élèvent la maçonne et ses murs d’envie, d’avoir ou possession. Commandés par l’appartenance personnelle et la chose appropriée, accumulant au possible ce que pouvoir escompte pour mieux rester tranquille. En Etat ou en personne. Nous habitons partout, à la manière insatiable d’une main de maître en châtiment, incapable de corriger notre tir, dissous dans nos affects. Nous habitons la complexité, pour échapper aux choses simples qui ne vivent qu’en cillement de l’espace, en pellicule de chair neuve. Nous habitons la terre, le ciel, le Saint-Esprit, l’enfer, la nature, les guerres, les paysages, les beaux quartiers, les HLM, les langues, nous habitons même les autres, et tout et tout.

Accorés par le besoin d’épandre, nous habitons. Séjournant dans nos misères pour saisir toutes qualités, manières ou modèles de couleuvre noire à ventre blanc. Concentrés en un lieu de torture et de travail où rien ne pousse sans épuiser les sols, les hommes, les femmes comme les enfants. Habitués à souffrir la discipline et le commerce pour l’appétit d’une divine providence. C’est en priorité par maîtrise des calendriers et des agendas que se tient le marché, avant de prendre possession des langues. Voulant que, si l’énoncé manifeste clairement dans un office public, ce qui ressort apparaisse comme vérité révélée.

Et la prêtrise est grande est forte, sacrément habile et capable de vous charroyer avant les bœufs. Tout bardés de diplômes ou de titres que vous êtes. Munis de plein d’intelligences artificielles ou naturelles que vous êtes. Elle effectue son ordre par projection d’images à l’intérieur des mots, convoquant tout le monde à l’intérieur de nouvelles clôtures périphériques ; ordinateurs, écrans, tablettes ou surface du spectacle augmenté. Jusqu’à vous faire valer votre patois, donc ! vous laisser contrit au bout de 39 ou 35 heures, persuadé d’être de valeureuse descendance et résilience. Fier d’avoir ces sentes de résistance sous la peau, ces fines poussières de rue cases-nègres libérées au vent après tassements des boues. Alors que prend langue bien vivante, autant longue que tendue, l’hymne du capital bien malin bien gras : « Le travail, c’est la santé ! ».

A la lettre ! L’instrument se disant capable de néantiser, « procrastiné », produit remis au lendemain sous seuil authentifié. Sain et sauf, mais taré ! Réchapper d’une servitude de jour comme de nuit, à deux pots et demi mesure du pays ou deux habits de toile, et toujours là, au gré des Maîtres qui font des corps valser ou damier, parce que c’est la santé, parce que c’est pas normal d’être si fatigué, parce qu’il faut, pour être payé : un servile fait. Bien fait. Merde à la terre ! Merde à la mer ! Et voler c’est pas bon ! Vaut mieux te faire bien voir et prendre ton pied pour le planter bien fond devant l’armée sans djob, avec, si possible, la classe d’un cireur de pompe aux gestes compassés. Non parce que diminuer l’autre, ça tu sais faire. Menuisier des copeaux du malheur et des fragments humains, tu sais rendre un bois-dur à taille de ta vertu. Qu’il pleure ou qu’il saigne, que rien ne change. Gardez le temps au FER. Etre au fer. Que rien ne bouge, si ce n’est sous ton feu. Mais diminuer les bruits, diminuer les cris, diminuer les cadences, le tambour des machines, le tak tak des durées, ta prétention à tenir La Valeur et sa répartition ? Réduire ton train et ta mesure, réduire ta partition pour que joue le temps libre et les indépendances, pour les heures du partage et grande respiration, ça tu connais ?

Un bagage qui sert à produire des nouvailes, à exécuter deuxmains, réaliser làvie. Avec les bons tuyaux, avec douces percussions, avec décorde, avec dû vent et tout ce que l’on ouvre dans ce monde débile. Un butin, avec l’infini comme timbre pour affranchir des vibrations, ici et là. Rejouer de l’instrument. Refaire de la musique. Produire en spasmes une suite de notes durant un temps donné, et puis changer le cours des évènements…

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