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    Dans un pays où les moins de 40 ans ne lisent quasiment plus, préférant les lives Tik Tok qui sont devenus leur principale source d'information et de culture, on ne peut que saluer tout effort, fut-il désespéré, en faveur du livre. 

    Mais avant d'en venir au sujet du présent article, permettons-nous une petite parenthèse ! Alors que le numérique est en train de tout balayer sur son passage, la seule chose à y résiste est le livre-papier. En effet, au début de ce nouveau siècle, on nous avait annoncé à grand fracas qu'il était fini. Mort et enterré ! Remplacé par l'e-book ou livre numérique. Un appareil permettant de l'utiliser, le Kindle, se vendait comme des petits pains, et ce serait la fin des bibliothèques avec leurs rayonnages poussiéreux et des librairies avec leurs tables d'exposition débordant d'ouvrages auto-édités (aux Antilles surtout).. Dans de grandes villes comme New-York de prestigieuses librairies fermaient leurs portes et seuls quelques rares manicous continuaient à fréquenter les bibliothèques. Ces dernières modifiaient d'ailleurs leur nom en "Médiathèque" pour bien montrer qu'elles n'étaient désormais plus ces lieux un peu sombres où l'on impose le silence le plus absolu et où l'on consulte d'encombrants petits rectangles de papier chiants à mourir.

   Le livre-papier connaîtrait alors le même sort que la cabine téléphonique, le chèque bancaire, la lettre manuscrite et son timbre, le disque et le CD, le catalogue de La Redoute, la vidéo-cassette, les prospectus publicitaires qui encombrent nos boites aux lettres et même__"ô rage ! ô désespoir !"__la poupée gonflable, remplacée par des robots humanoïdes qui savent parler. 

   Et puis, le vent a brutalement tourné. L'e-book a fait un flop ! Pour des raisons diverses et variées parmi lesquelles la toute première qui est si grotesque qu'on peut de demander comment les gens sensés ont pu croire à pareille fable (Il est vrai qu'il y en a qui s'imaginent qu'on peut vendre une boite de "Vache qui rit" exactement au même prix à Yssy-les-Moulineaux et aux Anses d'Arlets). Genre : "Quand je voyage en avion, par exemple quand je vais à Paris, j'ai 50 livres ou 100 livres sur mon Kindle !". Ouais...Sauf que pendant les 8h de vol, même les plus mordus de lecture ne parviennent pas à lire un seul et unique livre-papier en entier ! Entre les voisins de siège trop bavards, les services-repas, la fatigue au bout d'un moment (sauf pour celles et ceux qui voyagent en 1é Classe), les turbulences de plus en plus fréquentes et parfois effrayantes, le sommeil ou la sieste qu'on se voit obligé de faire au bout d'un moment, avoir 50 ou 100 livres dans un Kindle ne sert strictement à rien. Autre raison : lire 200 pages sur un écran pour un adulte, c'est plus fatiguant pour les yeux que de lire sur du papier et pour un jeune, biberonné au zapping, c'est tout simplement casse-bonbons. D'ailleurs, c'est bien la raison pour laquelle en début de chaque article des journaux en ligne et des sites-web il est précautionneusement indiqué : 3mn ou 5mn de lecture. Très rarement plus...Or, lire un bouquin demande au bas mot dix fois plus de temps que cela. 

   Mais, il y a une raison beaucoup plus fondamentale expliquant le flop du livre électronique (ou numérique). Il est tout simplement arrivé trop tard !

   En effet, dans l'histoire de l'humanité, le livre n'a connu qu'un bref âge d'or et cela dans seulement deux régions du monde : en Occident et en Union Soviétique. Age d'or qui a duré de 1950 à 1999. A peine un demi-siècle donc ! Avant cela et partout sur la planète l'analphabétsme régnait en maitre. L'écriture et la lecture étaient réservées à la classe dominante. Hormis les scribes et les rois ou pharaons, en Mésopotamie et dans l'Egypte antique personne ne savait déchiffrer les cunéiformes et les hiéroglyphes. En Chine et au Japon : les idéogrammes étaient du...chinois pour la grande majorité de la population. Au Moyen-âge, en Europe, seuls les gens de cour (la noblesse) et le clergé savaient lire et écrire. Plus tard, lorsque les Européens débarquèrent aux Amériques, la plupart des colons étaient analphabètes. Ce fut le cas des "36 mois", ces paysans français qui furent envoyés en Martinique et en Guadeloupe au 17è siècle et qui, pendant un temps, coupèrent la canne à sucre aux côtés des Africains réduits en esclavage. Et au 19è siècle, quand un roman de Balzac, Flaubert ou Zola atteignait 2.000 exemplaires il était considéré comme un best-seller. Aujourd'hui, c'est à partir de...100.000 ! 

   Malheureusement, les pays colonisés, c'est-à-dire les trois-quarts de l'humanité avant 1960, n'ont pas connu d'âge d'or du livre comme ce fut le cas de l'Occident et de l'Union Soviétique. Ces deux régions ont connu au 20è siècle des campagnes d'alphabétisation et donc de scolarisation massives. Cela a eu pour résultat d'aboutir à ce fameux âge d'or du livre (1950-1999) évoqué plus haut. Ni l'apparition de la radio, puis du cinéma, puis de la télévision n'était parvenue à marginaliser le livre-papier ! Ce qu'a failli réussir l'Internet à partir de la fin du 20è siècle. Or, dans les pays ex-colonisés, on est passé directement de l'oralité traditionnelle à la néo-oralité des réseaux sociaux. Par exemple, dans les années 70-80, les HaItiens ayant des parents ayant émigré aux Etats-Unis ou au Canada envoyaient (hormis les bourgeois évidemment dans ce pays où 80% de la population est analphabète) des cassettes-audio pour leur donner des nouvelles du pays, pas des lettres-papier. De nos jours, ils peuvent le faire directement sur leur téléphone portable. L'écrit est courcircuité et donc la lecture.

   Il ne faut pas se fier aux chiffres mirobolants d'alphabétisation qu'affichent les gouvernements des pays ex-coloniés (autrefois dénommés "Tiers-Monde" et rebaptisés "Sud Global"). Mis à part Cuba et la Chine, on ne dispose d'aucune preuve qu'au Laos, au Bengladesh, en Egypte, au Niger ou encore en Papouasie-Nouvelle-Guinée que le taux d'alphabétisation de la population dépasse les 40%. C'est qu'à cause des séquelles de la colonisation, de l'impérialisme qui a suivi cette dernière et des élites corrompues, apprendre à lire et à écrire y demeure un luxe, notamment parce que beaucoup d'enfants abandonnent l'école, faute pour leurs parents d'avoir les moyens, au bout de deux ou trois années d'école primaire et retombent alors dans l'analphabétisme ou en tout cas l'illétrisme. L'Internet est donc une bénédiction pour ses populations, l'achat d'un téléphone portable étant pour elles un impératif. Mais, c'est en Occident et en Union Soviétique ou dans les pays qui sont nés après son effondrement, que l'Internet a fait le plus de dégâts. Il a carrément annihilé le demi-siècle de l'âge d'or du livre (1950-1999). Certes, leurs populations demeurent fortement alphabétisées mais elles n'utilisent plus guère l'écrit et dans plusieurs états des Etats-Unis, on n'enseigne plus l'écriture manuelle aux élèves ! A quoi bon puisque désormais tout se fait d'un clic de souris à commencer par les démarches administratives.

      Il ne faut pas se faire d'illusion : le livre-papier ne connaitra plus d'âge d'or et le livre électronique a fait un flop.

      Faut-il pour autant s'en alarmer ? S'en désespérer ? Mener des campagnes de promotion de la lecture ? Aucunement ! Et cela pour une raison très simple : le livre a toujours été un objet aristocratique au sens noble du terme. De la nuit des temps à aujourd'hui, il n'a concerné qu'un faible pourcentage de la population tous pays confondus, sauf pendant l'âge d'or qui, répétons-le, n'a duré qu'un demi-siècle. Or, qu'est-ce qu'un demi-siècle par rapport à des millénaires d'histoire humaine ? Faut-il pour autant considérer le livre-papier comme un objet obsolète ? Ne plus organiser de salons du livre ? Aucunement non plus ! Il faut tout simplement le considérer pour ce qu'il est. A savoir un objet que l'on chérit si on nous l'a offert comme cadeau d'anniversaire, un compagnon de vie si telle histoire qu'il contient a bouleversé notre vision du monde, une créature peu exigeante qui ne prend pas beaucoup de place, que l'on peut mettre partout chez soi, qui ne demande pas d'électricité pour fonctionner, qui n'a pas besoin d'être rechargé, qui peut être transporté partout (à la mer, en forêt, en voyage etc.). Que l'on peut perdre et racheter sans se ruiner (perdez votre portable ou renversez du café sur votre ordinateur portable et votre portefeuille__Oups ! votre compte bancaire en ligne__pleurera misère !). 

   Il faudrait par contre que les pouvoirs publics soutiennent financièrement les éditeurs dans les pays comme les nôtres qui n'ont jamais connu d'âge d'or de la lecture. Dans l'ex-Union Soviétique et dans le Cuba d'aujourd'hui ce soutien a été et est non-négligeable. Par contre, en pays capitaliste, les politiciens croient qu'un éditeur est un vendeur de cassoulet, de voitures ou de motos et qu'il s'en met plein les poches. Car enfin, est-il bien normal qu'en Martinique par exemple, que bon nombre de nos auteurs (pas de littérature seulement mais aussi d'histoire, de psychologie, d'anthropologie, de sociologie, d'économie, de droit, de sciences naturelles !) soient introuvables faute d'avoir été réédités ? Pourquoi la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique) ne crée-t-elle pas une ligne budgétaire spécialement dédiée à leur republication laquelle serait confiée à de vrais éditeurs ? Et là, nous en arrivons au principal sujet du présent article et au Salon du Livre organisé par l'Association "Tous Créoles" à l'Habitation Clément : qui d'entre nous a eu entre les mains ce formidable ouvrage du Béké Pierre Dessalles, "Mémoires d'un colon à la Martinique" rédigé par ce dernier tout au long du 19è siècle ? Il s'agit d'une sorte de journal quotidien dans lequel il décrit la vie sur sa propriété, l'Habitation Nouvelle-Cité, dans la commune de Sainte-Marie, qui faisait près de 200 hectares. L'ouvrage couvre tant la période esclavagiste que celle de l'abolition et est extrêmement précieux pour comprendre "la mentalité békée". Seul l'éditeur Emile Désormeaux l'avait, sur ses fonds propres, réédité dans les années 80 du siècle dernier. Depuis plus rien ! Exactement comme La Caldeira du Mulâtre pierrotin  Raphaël Tardon ou ceux de Clément Richer, César Pulvar, Vincent Placoly, Xavier Orville et des centaines d'autres. Introuvables aujourd'hui ! Nos élus (es) savent trouver des dizaines de milliers d'euros pour envoyer une équipe de foot disputer des matches dans la Caraïbe mais ils ne trouvent pas un seul euro pour faire republier De la Nation martiniquaise de Camille Darsières. Chapeau ! 

   Bref...

   Donc pour en venir au Salon du Livre de "Tous Créoles", les auteurs qui accepteront d'y participer commettent la même erreur qu'Aimé Césaire lorsqu'il était allé planter avec Bernard Hayot, propriétaire de l'Habitation Clément, le fameux "Courbaril de la Réconciliation". Il ne s'agit pas du tout de dénoncer toute tentative de réconciliation ! Ni d'appeler à "détruire ce symbole de l'esclavage" comme on a pu l'entendre sur les réseaux sociaux de la part d'excités noiristes. C'est comme si les Espagnols disaient : "Détruisons le Palais de l'Alhambra construit par les Arabes qui nous ont occupé pendant 7 siècles !". 7 siècles (711-1492) alors que les Français n'occupent la Martinique que depuis...4 siècles soit dit en passant. Ou enore que Narandra Modi, président de l'Inde, disait ; "Détruisons le Taj Mahal qui a été construit par les envahisseurs musulmans !". Modi qui pourtant mène une politique hindouiste quasiment d'extrême-droite et qui est l'un des leaders mondiaux le plus hostile à l'islam. Entre parenthèses : la destruction des statues de D'Esnambuc, Joséphine et Schoelcher relèvent de la même réaction stupide. CE N'EST PAS DU TOUT DE LA FAUTE DES JEUNES DEBOULONNEURS, LEGITIMEMENT EXASPERES ! C'est celle des différents maires qui se sont succédés à Fort-de-France et qui auraient dû depuis longtemps les enlever pour les replacer dans un Musée de la Colonisation. 

   Donc, Césaire aurait dû avoir exigé d'Hayot qu'il fasse reconstruire une Rue Cases-Nègres et un cachot d'esclaves sur l'Habitation Clément avant d'accepter de planter avec lui le Courbaril  de la Réconciliation. Comme ça les Martiniquais et les étrangers qui visitent ce lieu n'y verraient pas uniquement la belle villa coloniale du Maître ! Ne pas le faire (et ça n'aurait pas coûté des tonnes d'argent !) revient à dissimuler l'histoire, à l'effacer même. Aujourd'hui, nos auteurs qui ont accepté de participer au Salon du livre qui s'y déroulera auraient dû avoir formulé la même exigence. Ils ne l'ont pas fait. Tant mieux pour eux ! Chacun est seul avec sa conscience, n'est-ce pas ? 

   Pour finir, on ne peut que s'interroger sur le logo ou l'affiche de ce Salon du Livre. Il montre des livres qui bouchent les yeux de deux jeunes Noirs et s'y enfoncent même ! Elle ressemble à cette affiche de la Sécurité civile d'il y a quelques années qui intimait aux motards : "Met un casque dans ta tête !". Le "dans" résultant d'une traduction littérale et forcément mauvaise de "Mété an kas an tet-ou !". Apparemment cette injonction n'a eu aucun effet au vu de tous ces motards qui perdent la vie sur nos routes chaque année. En fait, on peut interpréter l'affiche du Salon du Livre de l'Habitation Clément comme suit : "Lisez, nom de Dieu !" ou "Cultivez-vous un peu, bon sang !". Non seulement cela n'aura, là aussi, aucun effet, mais c'est limite insultant.

   La "Réconciliation" OUI, mais pas A N'IMPORTE QUEL PRIX...

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