Louis-Auguste Cyparis, dernier survivant de l'éruption de 1902, a désormais son buste

   Alors que nombre de Martiniquais pointent du doigt, à juste titre, le fait que l'écrasante majorité des statues érigées sur leur île ne représente pas des personnalités noires célèbres, alors qu'une partie de la jeunesse s'en indigne et les déboulonne, voici qu'un simple travailleur se voit honoré en la ville de Saint-Pierre par un magnifique buste réalisé par Luc Kabile. 

   Il s'agit de Louis-Auguste Cyparis, mi-cultivateur mi-marin-pêcheur, qui fut l'unique rescapé de l'éruption de 1902 qui raya de la carte la ville de Saint-Pierre et ses 30.000 habitants. A ce propos, il convient d'éclaircir un point car on lit ici et là qu'il y a eu également deux autres "rescapés" : l'un qui s'est enfui par la route conduisant à Fond Saint-Denis ; l'autre qui s'est échappé en mer et a été recueilli par le navire Le Suchet. Cela est attesté mais il faut s'entendre sur les mots : "être rescapé" n'équivaut pas à "s'échapper" ou "s'enfuir". Si un immeuble est la proie d'un incendie et que vous avez le temps de quitter les lieux à temps, vous n'êtes pas "un rescapé" alors que si vous étiez à la cave et que par miracle, les pompiers vous retrouvent une fois les flammes éteintes, là, oui, vous êtes un rescapé.

   Louis-Auguste Cyparis porte sur son corps affreusement brûlé, les marques, les stigmates même, de la terrible nuée ardente qui a ravagé sa ville en quelques minutes. Enfermé pour un petit délit (ivresse publique) au fond de la prison de Saint-Pierre, relativement protégé par ses murs voutés en pierre, il y passa trois jours terribles puisqu'il ne fut sorti de ce qui aurait pu être son tombeau que trois jours plus tard. Trois jours sans comprendre ce qui s'était passé, pourquoi cette formidable explosion et surtout trois jours sans vivres et presque sans eau (hormis celle qui suintait sur les murs de sa geôle, ce qui lui permit de résister). Cyparis, dont le visage avait été miraculeusement épargné, fut alors conduit au Morne-Rouge afin d'y être soigné, cela à une époque où on ne disposait guère de médications efficaces pour prendre en charge les grands brûlés. Or, né coiffé le bougre, il réchappa aussi à la deuxième éruption de la Pelée, celle du 30 août, qui détruisit en partie le Morne Rouge, Ajoupa-Bouillon et le quartier Morne Capot, au Lorrain, faisant 4.000 morts.

   La suite de son existence fut moins exaltante puisqu'il fut recruté par le fameux cirque Barnum afin d'être exhibé de par le monde aux côtés de créatures insolites telles qu'une femme à barbe et un nain difforme. C'était l'époque (début du 20è siècle) où Américains et Européens se délectaient du spectacle de personnages hors du commun et organisaient même des zoos humains. Louis-Auguste Cyparis, dont cette partie de la vie est moins bien documentée, la finira dans la plus grande misère au Panama.  

   La ville de Saint-Pierre et son premier édile, Christian Rapha, ont donc tenu à lui rendre solennellement hommage en faisant ériger un buste en son honneur, cela à l'initiative de l'Université Populaire et de la Prévention d'Albéric Marcellin.

Media / Document
Image
Image

Commentaires

José Egouy

Rose

10/05/2022 - 18:30

De toute façon ,un seul acteur pour incarner Cyparis ,dans un film éventuel qui aurait dû avoir été tourné depuis longtemps : José Egouy.....qu'attendent les Martiniquais pour rendre hommage à un personnage aussi extraordinaire ….. Il pourrait être le héros d'un futur roman de R.Confiant.

Connexion utilisateur

Commentaires récents