Si l'anglais et l'espagnol étaient des panacées...

     Alors même qu'aucun créoliste n'a jamais prétendu que le créole était la question la plus importante de la Martinique mais seulement L'UNE d'entre elles, l'hystérie continue à se développer autour du vote par la CTM (Collectivité Territoriale de Martinique) de la "co-officialisation du français et du créole".

     Le PPM et son leader n'avaient apparemment pas pris la mesure de l'engrenage dans lequel ils ont mis le doigt. Plus prudent, le GRAN SANBLE, qui dirigeait la Collectivité avant lui, avait soigneusement botté en touche alors même que dans son programme, en quadrichromie et diffusé à des dizaines de milliers d'exemplaires en décembre 2015, figurait noir sur blanc la création d'un "INSTITUT DE LA LANGUE CREOLE". Nos indépendantistes et alliés, peu avant la fin de leur mandature, s'étaient contentés de créer une banale "Direction de la langue créole" dotée...d'1 seul personnel administratif !!!

     Or, si la question du créole est aussi insignifiante que le disent les rédacteurs de lettre ouverte, pourquoi tant d'hystérie ? Pourquoi déverser des tonnes d'encre à propos de quelque chose qui n'a aucun intérêt ? D'autant que ces mêmes personnes se sont soigneusement tues à propos du pillage du CREDIT MARTINIQUAIS, de l'empoisonnement de notre pays par le chlordécone, des scandales divers et variés qui scandent la vie martiniquaise (SODEM, CEREGMIA, CARENANTILLES, LA COLAS, SMTVD etc...), de la bétonisation inexorable de nos terres agricoles, de la fuite de notre jeunesse vers l'Hexagone et de toutes ces calamités qui détruisent inexorablement la Martinique.

    En fait, cette hystérie est révélatrice de quelque chose de honteux : l'auto-négrophobie et l'auto-kouliphobie des rédacteurs de protestations sous forme de lettre ouverte.

    C'est que fondamentalement le créole renvoie, dans leur esprit, à l'esclave noir, puis à l'ouvrier agricole après l'abolition et à l'immigrant indien. Or, n'ont-ils pas honte d'accabler de leurs sarcasmes un idiome que leurs ancêtres ont parlé pendant des siècles ? Jusqu'aux années 60 du 20è siècle très exactement, moment où tous les Martiniquais ont commencé à être francophones. Car c'est faire injure à ces ancêtres que de dénier à leur langue, celle qu'ils nous ont léguée, le statut de langue à part entière. Il est vrai que dans ce minuscule pays, il semble que beaucoup de gens soient nés avant la honte. Surtout parmi les alphabétisés...

    L'un des arguments les plus idiots et les plus malhonnêtes avancé par ces auto-négrophobes et auto-kouliphobes est qu'au lieu d'enseigner le créole, il faudrait enseigner, "dès la maternelle", précisent-ils, l'anglais, l'espagnol et le portugais. Ils feignent de ne pas savoir qu'hormis les enfants békés et ceux de la bourgeoisie de couleur, tout élève martiniquais qui entre à l'école est confronté à un dilemme linguistique que les spécialistes appellent la diglossie à savoir l'existence de deux idiomes de statut inégal. L'un qui est utilisé dans la salle de classe (le français), l'autre qui est parlé dans la cour de récréation (le créole). Cette situation génère une forme d'insécurité linguistique laquelle perturbe l'apprentissage tant que le système scolaire ne se décide pas à prendre en compte la langue dominée.

   Or, ignorer d'un revers de main cette dernière et vouloir enseigner à ces mêmes élèves insécures linguistiquement des langues totalement étrangères telles que l'anglais, l'espagnol ou le portugais, revient tout simplement à créer encore davantage de trouble dans leur esprit. Ensuite, croire que ces langues étrangères sont un sésame, une baguette magique ou un bâton de maréchal qui leur permettra de "réussir dans la vie" est tout simplement grotesque. Dans n'importe quel pays, seule une minorité de gens a besoin de connaître une langue étrangère et la pratique dans son quotidien professionnel : employés du tourisme, chauffeurs de taxis, entrepreneurs et universitaires. Au Japon, 3è puissance économique mondiale, quasiment personne ne parle anglais, hormis les gens qui travaillent dans les secteurs qui viennent d'être cités. En Inde, 5è puissance économique mondiale, seuls 32% de la population parle anglais alors que cette dernière est l'une des langues officielles de ce pays. 

   Et puis, si l'anglais ou l'espagnol étaient indispensables et gages de réussite sociale, comment expliquent que les Saint-Luciens anglophones émigrent en Martinique et les Dominiquais également anglophones émigrent en Guadeloupe. D'ailleurs, pourquoi entend-t-on autant d'espagnol à Terres-Sainville (Martinique) et au Carénage (Guadeloupe) ? 

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Commentaires récents

  • "Local", "Traditionnel", "Typique", "D'Antan" "Territoire" et autres euphémismes

    MECOMPRENSION

    Albè

    25/11/2024 - 07:27

    Je crains que vous n'ayez mal compris cet article. A moins que ce ne soit moi qui me trompe. Lire la suite

  • Jean Crusol : "Première tentative d'un gang du narcotrafic de s'imposer dans le paysage politique et social de la Martinique"

    FARCEURS

    Albè

    24/11/2024 - 08:31

    Il faut être un sacré farceur pour faire croire aux Martiniquais qu'un deuxième Cuba est possible Lire la suite

  • Jean Crusol : "Première tentative d'un gang du narcotrafic de s'imposer dans le paysage politique et social de la Martinique"

    Albè , mon cher, peut-on mettre...

    Frédéric C.

    23/11/2024 - 23:38

    ...toute la "classe politique" (qui n’est d’ailleurs pas une "classe sociale") sur le même plan ? Lire la suite

  • Kréyolad 1052: Polo chanté

    Jid, sa vré! Sé lè on mizisiyen ka mò...

    Frédéric C.

    23/11/2024 - 20:10

    ...ou ka trouvé tout diks-li, òben yo ka viré enprimé tou sa i fè-a vitman présé! Lire la suite

  • "Local", "Traditionnel", "Typique", "D'Antan" "Territoire" et autres euphémismes

    Il y a pire que ça...

    Frédéric C.

    23/11/2024 - 15:38

    ...À une époque pas si lointaine, l’adjectif qualificatif "national" était fréquemment utilisé po Lire la suite